(adultes
- enfants)
Jeudi
13 juin 1996 - Institut Gernez Rieux - CHU de Lille
Cette
conférence a été organisée et s'est déroulée conformément aux règles
méthodologiques préconisées par l'Agence Nationale pour le Développement de
l'Evaluation Médicale (ANDEM) qui lui a attribué son label de qualité. Les
conclusions et recommandations présentées dans ce document ont été rédigées par
le jury de la Conférence, en toute indépendance. Leur teneur n'engage en aucune
manière la responsabilité de l'ANDEM.
Bien que
les définitions et les concepts du choc infectieux se soient considérablement
modifiés ces 20 dernières années, le choc infectieux reste une préoccupation
majeure des services de réanimation. La mortalité tant chez l'enfant que chez
l'adulte est proche de 50 %.
Outre les
mesures thérapeutiques habituelles, le traitement symptomatique du choc
infectieux repose sur l'association remplissage vasculaire et catécholamines.
Alors que les catécholamines sont largement utilisées, selon des modalités
probablement très différentes d'un service à l'autre, il n'existe pas dans la
littérature de règles précises de leur utilisation. Ce sont ces différentes
considérations qui ont été à la base de l'organisation de cette XVè Conférence
de Consensus en Réanimation et Médecine d'Urgence (Lille, 13 juin 1996)
Le
syndrome infectieux sévère et le choc infectieux ont été définis par une récente
conférence de consensus américaine. La distinction faite entre syndrome
infectieux sévère et choc septique a pour but de définir des groupes homogènes
de malades. Il existe pourtant une continuité évidente entre ces deux états. Il
est donc nécessaire de traiter précocement ces malades afin d'éviter le passage
au stade le plus grave. L' objectif du traitement des états infectieux sévères
est d'éviter la survenue d'une hypoperfusion tissulaire. Cet objectif nécessite
le recueil et l'appréciation des paramètres cliniques et paracliniques suivants
:
EN RESUME : La
confrontation de l'ensemble de ces paramètres et des traitements en cours
permet de classer les malades soit en syndrome infectieux sévère, soit en choc
infectieux. Les objectifs thérapeutiques sont d'éviter le passage à un stade
plus sévère, et si possible de favoriser le passage à un stade de sévérité
moindre. Dans la situation particulière du choc infectieux, l'échec
thérapeutique est défini soit comme l'impossibilité de maintenir la pression
artérielle aux niveaux pré-cités soit comme l'existence de l'hypoperfusion
tissulaire en dépit des thérapeutiques en cours.
L'hypovolémie
absolue et relative est constante au cours des états infectieux et contribue à
la défaillance circulatoire initiale. Le remplissage vasculaire est l'étape
initiale primordiale et obligatoire de la prise en charge des syndromes
infectieux sévères. L'utilisation isolée de catécholamines à cette phase
pourrait avoir des effets secondaires majeurs.
Chez
l'enfant il faut apporter au moins 40 ml/kg d'un colloïde dans la première
heure. Ce remplissage permet vraisemblablement d'améliorer la survie initiale
sans accroître le risque d'þdème pulmonaire. Son absence d'efficacité, jugée
cliniquement, impose une exploration hémodynamique. La constatation d'une
vasoplégie ou d'un état hypokinétique définit l'état de choc infectieux et
conduit à la prescription de catécholamines.
Chez
l'adulte, les modalités du remplissage vasculaire au cours du syndrome septique
sévère sont moins précises. L'administration d'au moins 500 ml d'un colloïde en
20 minutes permet parfois d'atteindre les objectifs thérapeutiques. Si la
pression artérielle est effondrée et que le pronostic vital est menacé le
recours concomitant et précoce aux catécholamines s'impose, quel que soit le
niveau de remplissage. Dans les autres cas, la question se pose en permanence
du choix entre poursuite du remplissage et/ou adjonction de catécholamines. Les
patients devant bénéficier des catécholamines sont ceux qui ont un niveau de
remplissage jugé satisfaisant associé à des signes cliniques d'incompétence
circulatoire ou ceux qui ont une mauvaise tolérance au remplissage. Le niveau
de remplissage satisfaisant peut être apprécié par la pression veineuse
centrale ou les données de l'échographie cardiaque. La mauvaise tolérance du
remplissage doit être en permanence recherchée cliniquement, et par le
monitorage de la SaO2 ou la mesure répétée de la PaO2.
Pour
débuter un traitement par les catécholamines il n'est pas utile d'avoir recours
à une étude hémodynamique par cathéter de Swan-Ganz. Aucune étude clinique ne
permet de recommander la correction d'une acidose métabolique, d'une
hypophosphorémie ou d'une hypocalcémie pour améliorer les effets
cardio-circulatoires des catécholamines.
Les
catécholamines sont des agonistes des récepteurs membranaires du système
adrénergique. Dans le système cardio-vasculaire, trois types de récepteurs sont
impliqués: les récepteurs alpha, béta et dopaminergiques (DA). Les
catécholamines stimulent de façon plus ou moins préférentielle un ou plusieurs
de ces types de récepteurs.
Il existe
une régulation du nombre des récepteurs adrénergiques fonctionnels. La
diminution de la réponse, appelée désensibilisation, survient lors d'une
stimulation importante et/ou prolongée par les catécholamines et concerne plus
particulièrement les récepteurs béta. Elle implique une phosphorylation, une
internalisation et enfin une diminution du nombre des récepteurs.
Dans le
choc septique, on observe une stimulation sympathique qui aboutit à une
désensibilisation des récepteurs béta-1 et à une stimulation de la synthèse du
monoxyde d'azote qui contrecarre les effets de la stimulation alpha-1.
1)
La dopamine augmente la pression artérielle par ses effets conjoints
d'augmentation du débit cardiaque et des résistances vasculaires. A faible
dose, l'effet béta-1 est prépondérant, tandis qu'à forte dose (> 10
mcg/kg/min), c'est l'effet alpha-1 qui l'emporte. A forte dose, ces effets
peuvent s'accompagner d'une augmentation du shunt intra-pulmonaire.
2)
La noradrénaline augmente la pression artérielle principalement par
augmentation des résistances vasculaires. A des doses de 0.05 à 0.5 mcg/kg/min,
le débit cardiaque varie peu. La fréquence cardiaque reste stable ou diminue et
les résistances pulmonaires augmentent. Contrairement à ce qui est observé avec
la dopamine, une diminution du pH intra-muqueux n'a pas été rapportée.
3)
L'adrénaline à des doses de 0.05 à 0.5 mcg/kg/min, augmente la pression
artérielle principalement par augmentation du débit cardiaque. A ces doses, les
résistances vasculaires ne sont pas affectées et la fréquence cardiaque tend à
augmenter. A des doses de 0.5 à 1 mcg/kg/min, la pression artérielle augmente
par effet conjoint d'augmentation du débit cardiaque et des résistances
systémiques, et la fréquence cardiaque reste stable.
4)
La dobutamine, à des doses de 5 à 10 mcg/kg/min, augmente le débit
cardiaque sans affecter la pression artérielle. La fréquence reste stable et
les résistances vasculaires tendent à baisser.
5)
La phényléphrine, à des doses de 0.5 à 9 mcg/kg/min, augmente la pression
artérielle principalement augmentation des résistances vasculaires. Le débit
cardiaque et la fréquence peuvent augmenter.
La
demi-vie de la plupart des catécholamines est de quelques minutes, ce qui nécessite
une administration intraveineuse continue avec un débit bien contrôlé. Il
existe une dose seuil en deçà de laquelle aucun effet n'est observé. Au delà de
ce seuil, on observe une augmentation linéaire des effets en fonction du
logarithme de la dose administrée. D'importantes variations interindividuelles
existent aussi bien pour la dose seuil que pour la pente de la relation
dose-effet. Par ailleurs, les conditions particulières du choc infectieux
affectent la relation dose-effet, imposant souvent le recours à des doses
élevées et personnalisées.
Toutes les
catécholamines sont arythmogènes ; Cet effet secondaire est dépendant de la
dose administrée et du terrain sous-jacent. L'imprévisibilité des doses susceptibles
d'entraîner de tels effets nécessite une surveillance très attentive.
L'augmentation de la consommation d'oxygène myocardique expose le patient
coronarien à un risque d'ischémie surajouté.
1) Dans
une contexte de contractilité myocardique effondrée sans baisse importante des
résistances systémiques, On préférera une catécholamine à effet inotrope
positif comme la dobutamine ou la dopamine.
2) Dans un
contexte de vasoplégie sans atteinte importante de la contractilité
myocardique, on préférera la noradrénaline ou la phényléphrine.
3) Dans un
contexte mixte, on aura recours, soit à la dopamine à forte dose, soit à
l'adrénaline ou mieux encore à l'association dobutamine-noradrénaline. La
détermination d'une balance adéquate entre l'augmentation des résistances et le
maintien du débit cardiaque doit permettre de déterminer individuellement les
doses optimales.
L'utilisation
de plus de deux catécholamines n'est pas justifiée sur le plan pharmacologique.
Il
n'existe pas de données qui permettent de répondre à cette question au cours du
choc septique. Les considérations suivantes sont fondées sur l'expérience
clinique.
Le début
du sevrage en catécholamines devrait se faire quand le patient est guéri de son
insuffisance circulatoire, c'est à dire après au moins 12 à 24 heures de
stabilité hémodynamique. La décision d'arrêt s'appuie avant tout sur les signes
cliniques et une exploration hémodynamique invasive n'est le plus souvent pas
nécessaire.
Modalités
du sevrage : L'expérience clinique et les caractéristiques pharmacologiques des
catécholamines imposent un sevrage progressif. La rapidité du sevrage dépend de
la durée du traitement catécholaminergique, source d'une désensibilisation des
récepteurs béta-adrénergiques. Il semble raisonnable de respecter un intervalle
minimal de 30 minutes entre chaque palier pour juger de la stabilité
hémodynamique. La vitesse de décroissance repose sur la tolérance clinique.
En cas
d'association de plusieurs catécholamines, il est difficile de conseiller
l'arrêt prioritaire d'une des drogues. L'arrêt d'une drogue à effet a avant une
drogue à effet béta pourrait se justifier par l'absence de désensibilisation
démontrée des récepteurs alpha. C'est l'état hémodynamique apprécié par
l'examen clinique qui guide ce choix. Une insuffisance cardiaque sévère peut
nécessiter une exploration hémodynamique complémentaire (échographie,
cathétérisme droit), afin d'éviter un échec du sevrage.
L'échec du
sevrage en catécholamines doit faire rechercher la persistance d'un foyer
infectieux, d'une insuffisance cardiaque ou d'une hypovolémie. L'absence d'une
de ces causes suggère un sevrage trop rapide.
A la phase
initiale, la dopamine est proposée en première intention mais d'autres choix
sont possibles. Le traitement par une catécholamine ne se conçoit qu'après
échec de l'expansion volémique. Toutefois, le traitement peut débuter par
l'administration simultanée d'une catécholamine et d'une expansion volémique si
la pression artérielle est effondrée.
Le débit
sanguin cérébral du nouveau-né est très dépendant du niveau de pression
artérielle.
Des
altérations de la contraction cardiaque affectent la moitié des nouveau-nés en
état de choc. De plus, le choc septique néonatal est fréquemment associé à un
shunt extra-pulmonaire dû à une hypertension artérielle pulmonaire source
potentielle d'hypoxémie réfractaire. Par conséquent, l'hémodynamique systémique
et pulmonaire doit être évaluée de façon précoce et répétée par
échocardiographie Döppler.
Le schéma
thérapeutique du traitement du choc infectieux néonatal est chronologiquement
caractérisé par :
L'efficacité
de chaque adaptation posologique est évaluée toutes les 15 à 20 min.
Compte-tenu
du faible niveau de preuve, les conclusions de cette conférence de consensus
doivent être considérées comme des conseils. La SRLF
devrait susciter des travaux de recherche clinique sur ce thème.