24
juin 1994 - Paris
Cette
conférence a été organisée et s'est déroulée conformément aux règles
méthodologiques préconisées par l'Agence Nationale pour le Développement de
l'Evaluation Médicale (ANDEM) qui lui a attribué son label de qualité. Les
conclusions et recommandations présentées dans ce document ont été rédigées par
le jury de la Conférence, en toute indépendance. Leur teneur n'engage en aucune
manière la responsabilité de l'ANDEM.
Chez
l'adulte, l'infection aux Cathéters Veineux Centraux (CVC) est une complication
iatrogénique susceptible d'aggraver le pronostic initial. La divergence des
attitudes diagnostique et thérapeutique a justifié l'organisation à Paris, le
24 juin 1994, de la XIIe Conférence de Consensus de la S.R.L.F. Les cathéters
destinés à la nutrition parentérale totale et à l'hémodialyse, les chambres implantables
et les cathéters de longue durée ont été exclus.
1.
L'infection liée au CVC est définie par la présence de
micro-organismes à la surface interne et/ou externe du CVC responsable d'une
infection locale et/ou générale. Les signes cliniques locaux et/ou généraux
peuvent s'accompagner ou non d'une hémoculture positive. A l'inverse, une
hémoculture positive peut exister sans que ces signes soient présents. A
l'exclusion du pus au point de ponction, aucun des signes cliniques ne permet
d'affirmer l'infection sur CVC Aussi, les relier à la présence de
micro-organismes sur le CVC requiert des analyses microbiologiques. L'analyse
la plus simple est la culture de l'extrémité distale du CVC, ce qui nécessite
son ablation. Différentes méthodes ont été proposées : culture qualitative en
milieu liquide, culture semi-quantitative sur milieu gélosé, culture
quantitative en milieu liquide après rinçage endoluminal ou après
"vortexage" ou sonication.
La
constatation d'un taux élevé d'ablations injustifiées et l'existence de
situations nécessitant le maintien du CVC ont amené à proposer d'autres
techniques : - culture des prélèvements faits sur la peau au site de ponction,
et/ou au niveau du premier raccord (pavillon) - hémocultures quantitatives
comparatives. Aucune de ces techniques ne permet actuellement d'apporter la
certitude de la présence de micro-organismes sur le CVC.
Mettre en
évidence des micro-organismes sur un CVC ne suffit pas à affirmer l'infection
liée à celui-ci. Il faut définir un seuil permettant de relier une situation
infectieuse à la présence de micro-organismes sur le CVC. Le seuil (> 15
UFC) de la technique semi-quantitative a été déterminé par rapport à
l'inflammation du site d'insertion de cathéters périphériques. Celui > 103
UFC/ml de la technique par "vortexage" a été déterminé à l'aide d'une
classification clinique des malades bactériémiques ou non, en réanimation. La
culture qualitative en milieu liquide n'a pas été validée en réanimation.
Ainsi, la culture quantitative de
l'extrémité distale du CVC après "vortexage" devrait être préférée. |
- La
culture du CVC est positive et il existe une bactériémie dans les 48 h
encadrant le retrait du CVC avec un micro-organisme identique à celui isolé du
CVC
- La
culture du CVC est positive et il n'y a pas de bactériémie due à un
micro-organisme identique à celui isolé du CVC et les signes infectieux
régressent totalement ou partiellement dans les 48 h suivant l'ablation.
Dans la
majorité de ces 2 cas, la concentration des micro-organismes isolés du CVC est
> au seuil défini.
- Le CVC
est stérile
- La
culture du CVC est positive, mais la souche est différente de celle isolée dans
le sang et/ou d'un autre foyer infectieux présent au moment de l'ablation du
CVC et le syndrome infectieux ne régresse pas à l'ablation du CVC : celui-ci
est contaminé.
- La
culture du CVC est positive. La souche isolée est identique à celle trouvée
dans un foyer infectieux autre identifié au moins 48 h avant l'ablation du CVC
qu'il soit ou non responsable de bactériémie et le syndrome infectieux ne
régresse pas à l'ablation du CVC : celui-ci a été colonisé à partir d'un foyer
situé à distance.
Dans la
majorité de ces cas, la concentration des micro-organismes isolés du CVC est
< au seuil défini.
La
contamination du CVC par voie cutanée est la plus fréquente. Elle survient lors
de la pose ou lors de l'infection secondaire du site d'insertion. La
contamination endoluminale des CVC peut être secondaire aux manipulations
septiques des raccords et exceptionnellement à la contamination d'un liquide de
perfusion. La contamination endoluminale devient prépondérante pour les CVC
laissés en place plus de 3 semaines. La voie hématogène est rare.
Le dépôt
d'un film protéique et plaquettaire sur le CVC permet l'adhésion des
micro-organismes. Des protéines d'origine diverse et la production par la
bactérie de "slime", d'adhésine et de polysaccharides facilitent leur
adhésion.
Les
matériaux utilisés jouent un rôle démontré in vitro. Le polyuréthane et les
élastomères de silicone sont les moins propices à l'adhésion bactérienne.
Par leur
fréquence et leur mortalité, les infections liées au CVC font partie des trois
principales infections acquises en réanimation.
L'incidence
des bactériémies primaires, associées pour leur plus grande part (90%) aux CVC,
aurait augmenté deux fois plus que celles des bactériémies secondaires.
Les cocci
à Gram positif, en particulier les staphylocoques à coagulase négative et
Candida spp représentent actuellement les principales causes d'infections liées
au CVC.
Le taux
médian de bactériémies primaires se situe entre 5 et 7/1000 jours-cathéter.
L'incidence des bactériémies liées au CVC est comprise entre 2,8 et 3,2/100 CVC
et celles des cultures positives de CVC est en moyenne de 14/100 CVC.
Trois sont
associés à une augmentation de l'infection :
- le site
d'insertion : les voies fémorales et jugulaires présenteraient un risque de 1,5
à 10 fois supérieur à la voie sous-clavière ;
- la
fréquence des manipulations de la ligne veineuse ;
- la durée
du cathétérisme, avec un risque multiplié par deux après 4 jours de maintien ,
de 4 après 7 jours, et de 7 après 14 jours.
Les
données disponibles ne permettent pas de fournir d'information fiable sur le
pronostic et le coût des infections liées aux CVC en réanimation.
La
limitation des indications de pose des CVC et des cathéters de Swan-Ganz ainsi
que leur ablation la plus précoce possible sont des méthodes de prévention
primaire efficaces.
Les autres
méthodes visent à réduire la contamination du CVC et de la ligne veineuse par
les micro-organismes.
Les seules mesures dont l'efficacité a été démontrée lors de
la pose sont : ·
l'habillage chirurgical de l'opérateur et
l'installation d'un champ opératoire large, ·
l'asepsie du site de pose, ·
l'occlusion du site d'insertion par un pansement, ·
et la limitation des manipulations de la ligne
veineuse. |
Le jury
considère cependant que les modalités de pose, d'entretien et d'utilisation de
la ligne veineuse doivent être définies par des protocoles écrits, élaborés par
l'ensemble d'une équipe et respectés par tous.
L'emploi
de matériaux moins thrombogènes (polyuréthane, élastomère de silicone) est
recommandé. L'usage de CVC en polyéthylène et en chlorure de polyvinyle est
licite, compte tenu de leur faible coût, pour des durées d'insertion
inférieures à 24 heures. L'utilisation des manchons sous-cutanés en collagène
et argent, et de CVC dont la surface interne et/ou externe est recouverte
d'antiseptique, d'antibiotique ou de produits réduisant l'adhérence bactérienne
ne peut être préconisée.
La mise en
balance des risques infectieux et des complications classiques de la voie
sous-clavière suggère que le site jugulaire est préférable pour la surveillance
hémodynamique péri-opératoire avec un cathéter de Swan Ganz. La voie fémorale
doit être réservée à l'urgence et sur une courte période. La voie axillaire
mérite une évaluation comparative.
La pose du
CVC doit être effectuée dans des conditions d'asepsie chirurgicale. La peau est
lavée à l'eau et au savon puis badigeonnée avec une solution antiseptique
(polyvidone iodée ou chlorhexidine). La zone opératoire est installée avec des
champs stériles larges. La tunnellisation n'a pas d'intérêt en réanimation. Le
changement de CVC sur guide doit être effectué dans les mêmes conditions que la
pose initiale. Le changement systématique à intervalle régulier du CVC sur
guide ne réduit pas le risque d'infection.
L'efficacité
de l'occlusion du site est démontrée. Le type du pansement n'est pas décisif
mais l'utilisation d'un pansement semi-perméable et transparent permet la
surveillance visuelle et manuelle du site. La date de pose du CVC doit être
notée. L'intervalle optimum de changement du pansement se situe entre 2 et 4
jours. La date de réfection du pansement est notée.
La
limitation des manipulations de la ligne veineuse est un objectif essentiel.
L'éloignement des sites d'injection par rapport à la zone d'insertion réduit le
risque de contamination grâce à un prolongateur qui n'est pas changé.
L'intervalle optimum de changement de la ligne veineuse est de 2 à 4 jours.
L'efficacité des filtres antimicrobiens et de l'héparinisation générale n'est
pas démontrée.
Toutes les
règles précitées s'appliquent à son utilisation.
La
réalisation d'hémocultures et la mise en culture du CVC doivent être
systématiques.
- infection locale purulente
- forte présomption d'infection (thrombophlébite, cellulite loco-régionale
purulente ou non, bactériémies à Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa
ou à levures),
- signe de gravité (choc septique)
- terrain à risque (valvulopathie, immunodépression)
Une
antibiothérapie probabiliste est immédiatement débutée.
- Signes
infectieux sous traitement antibiotique adapté alors qu'il existe un foyer
identifié pouvant expliquer l'état septique - état septique sans signe de
gravité en l'absence d'autres foyers.
Aucune
nouvelle antibiothérapie n'est débutée avant le retour des résultats
microbiologiques, mais la surveillance renforcée du patient s'impose.
On fera
appel aux prélèvements microbiologiques locaux (peau et pavillon) et aux hémocultures
quantitatives.
Signes
infectieux généraux ou hémocultures positives : si le CVC a été changé sur
guide, il est retiré. Si nécessaire, un nouveau CVC est implanté sur un autre
site.
L'antibiothérapie
s'impose et sera adaptée aux résultats microbiologiques.
En
présence d'entérobactéries sur le premier C.V.C et d'un changement sur guide,
le deuxième CVC doit être retiré. L'antibiothérapie n'est pas justifiée en
l'absence de signes généraux.
Hémocultures
positives au même germe ou signes généraux persistants : la conduite est la
même que précédemment (Cf. a).
Hémocultures
négatives, et en l'absence de signes généraux : on surveille l'évolution locale
et générale. Le CVC est laissé en place. L'antibiothérapie n'est pas
recommandée. Au moindre doute, les hémocultures sont renouvelées et le CVC ôté.
La recherche d'un autre foyer est souhaitable.
- Signes
inflammatoires isolés au point d'entrée : seul le résultat du prélèvement
cutané pourrait orienter la conduite (maintien du CVC si prélèvement négatif).
Il n'y a pas de place pour le changement sur guide ni pour l'antibiothérapie.
- Pus au
site d'entrée : désinfection par antiseptique et surveillance après retrait du
CVC. L'antibiothérapie n'est pas justifiée en l'absence de signes généraux.
L'aggravation clinique locale et/ou l'apparition de signes généraux dans les 48
h suivant l'ablation imposent l'antibiothérapie.
-
Infection à staphylocoques à coagulase négative : le maintien en place du CVC
peut être discuté :
*
Hémocultures positives : l'attitude la plus sûre est l'ablation mais un
changement sur guide, voire un maintien en place sous couvert d'une
antibiothérapie pourraient être envisagés. Cette dernière attitude devrait être
évaluée.
* Hémocultures négatives, après isolement d'un staphylocoque à coagulase
négative sur un premier CVC : l'abstention thérapeutique est possible après
retrait du deuxième CVC. Si le CVC est laissé en place, une antibiothérapie est
nécessaire.
- Le
verrou antibiotique n'a pas été évalué en réanimation.