25 et 26 janvier 2001
PARIS
Société Nationale Française de
Gastro-Entérologie
Association Française de Chirurgie
Association Nationale des Gastroentérologues des Hôpitaux Généraux
Club Français du Pancréas
Société d'Imagerie Abdominale et Digestive
Société
Française d'Anesthésie-Réanimation
Société Française de Chirurgie Digestive
Société Française d'Endoscopie Digestive
Société Francophone de Nutrition Entérale et Parentérale
Société
de Réanimation de Langue Française
Société Nationale Française de Gastro-Entérologie
P
RUSZNIEWSKI, Président : Hépato-Gastroentérologue, Hôpital Beaujon
(Clichy), P BOISSEL : Chirurgien Digestif, Hôpitaux de Brabois Adultes
(Vandœuvre), G BOMMELAER : Hépato-Gastroentérologue, Hôtel-Dieu
(Clermont-Ferrand), G BONMARCHAND : Réanimateur Médical, Hôpital Charles Nicolle,
(Rouen), J-F BRETAGNE, Secrétaire : Hépato-Gastroentérologue, Hôpital
Pontchaillou (Rennes), L BUSCAIL : Hépato-Gastroentérologue, Hôpital de
Rangueil (Toulouse), M CHOUSTERMAN : Hépato-Gastroentérologue, CHI (Créteil),
P-L FAGNIEZ : Chirurgien Digestif, Hôpital Henri-Mondor (Créteil), X HEBUTERNE
: Hépato-Gastroentérologue, Hôpital de l'Archet (Nice), L PALAZZO :
Hépato-Gastroentérologue libéral (Paris), P-J : VALETTE : Radiologue, Hôpital
Edouard-Herriot (Lyon), B VEBER : Réanimateur Chirurgical, Hôpital Charles
Nicolle (Rouen)
G
BOMMELAER, Président :Hépato-Gastroentérologue, Hôtel-Dieu (Clermont
Ferrand), G BLEICHNER : Réanimateur Polyvalent, Hôpital Victor Dupouy
(Argenteuil), C BOUTELOUP : Nutritioniste, CRNH Auvergne (Clermont Ferrand), H
BRICARD : Anesthésiste, CHU Côte de Nacre (Caen), J-M BRUEL : Radiologue,
Hôpital Saint-Eloi (Montpellier), G CAPELLIER : Réanimateur Médical, Hôpital
Jean Minjoz (Besançon), L DREYFUS : Médecin Généraliste (Paris), R DUMAS :
Hépato-Gastroentérologue, Hôpital de l'Archet (Nice), A LACROIX : Chirurgien, C
H G (Auch), B MATHEY : Chirurgien (Strasbourg), B NAPOLEON :
Hépato-Gastroentérologue, Clinique Saint Jean (Lyon), O NOUEL :
Hépato-Gastroentérologue, Centre Hospitalier La Beauchée (Saint Brieuc), J-F
QUARANTA : Santé Publique, Hôpital de Cimiez (Nice), N ROTMAN : Chirurgien
Digestif, Hôpital Henri-Mondor (Créteil), G ROUMIEU : Radiologue, CHG
(Avignon), D SAUTEREAU : Hépato-Gastroentérologue, Hôpital Dupuytren (Limoges)
M BARTHET
: Hépato-Gastroentérologue, Hôpital Nord (Marseille), S BELOUCIF : Réanimateur
Chirurgical, Hôpital Bichat (Paris), J-P BERNARD : Hépato-Gastroentérologue,
Hôpital Ste-Marguerite (Marseille), J BOYER : Hépato-Gastroentérologue, CHRU
(Angers), F BRIVET : Réanimateur Médical, Hôpital Henri-Béclère (Clamart), J-F
DELATTRE : Chirurgien Général, CHU (Reims), R DELCENSERIE :
Hépato-Gastroentérologue, Hôpital Nord (Amiens), B DUREUIL : Réanimateur
Chirurgical, Hôpital Charles-Nicolle (Rouen), J ESCOURROU :
Hépato-Gastroentérologue, CHU Rangueil (Toulouse), L GAMBIEZ : Chirurgien,
Hôpital Claude-Huriez, (Lille), P HASTIER : Hépato-Gastroentérologue, Hôpital
de l'Archet 2 (Nice), P LEVY : Hépato-Gastroentérologue, Hôpital Beaujon (Clichy),
C MATOS : Radiologue, Hôpital Erasme (Bruxelles), B MILLAT : Chirurgien
Viscéral, Hôpital Saint-Eloi (Montpellier), P MONTRAVERS :
Anesthésiste-Réanimateur, CHU-Groupe Hôpital Sud (Amiens), J MOREAU :
Hépato-Gastroentérologue, CHU Rangueil (Toulouse), D PEZET : Chirurgien
Digestif, Hôtel-Dieu (Clermont Ferrand), A SAUVANET : Chirurgien Digestif,
Hôpital Beaujon (Clichy), V VILGRAIN : Radiologue, Hôpital Beaujon (Clichy),
J-L VINCENT : Réanimateur, Hôpital Erasme (Bruxelles), J-F ZAZZO : Anesthésiste-Réanimateur,
Hôpital Antoine-Beclère (Clamart), M ZINS : Radiologue, Institut Mutualiste
Monsouris (Paris)
D MALKA :
Hépato-Gastroentérologue, Hôpital Beaujon (Clichy), I ROSA HEZODE :
Hépato-Gastroentérologue, CHI (Créteil), R LECESNE : Radiologue, Hôpital du
Haut-Lévêque (Pessac), E MAURY : Réanimateur Médical, Hôpital Saint-Antoine
(Paris), P BERTHELEMY : Hépato-Gastroentérologue, Hôpital (Pau), P PAGES : Hépato-Gastroentérologue,
CHU de Rangueil (Toulouse), H DUPONT : Réanimateur Chirurgical, Hôpital Bichat
(Paris), D SEGUY : Hépato-Gastroentérologue, Hôpital Huriez (Lille), F PILLEUL
: Radiologue Digestif & d'Urgence, Hôpital Edouard-Herriot (Lyon), K SLIM :
Chirurgien Digestif, Hôtel-Dieu (Clermont Ferrand), M DEBETTE GRATIEN :
Hépato-Gastroentérologue, Hôpital Dupuytren (Limoges), E YAHCHOUCHI :
Chirurgien Digestif, Hôpital Henri-Mondor (Créteil), L HEYRIES :
Hépato-Gastroentérologue, Hôpital Ste-Marguerite (Marseille)
Cette
conférence a été organisée et s'est déroulée conformément aux règles
méthodologiques préconisées par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé
(Anaes), qui lui a attribué son
label de qualité. Les conclusions et recommandations présentées dans ce
document ont été rédigées par le Jury de la conférence, en toute indépendance.
Leur teneur n'engage en aucune manière la responsabilité de l'Anaes.
La
pancréatite aiguë (PA) est une affection parfois grave, nécessitant une prise
en charge multidisciplinaire impliquant gastro-entérologues, chirurgiens, réanimateurs,
anesthésistes, radiologues, urgentistes et biologistes. Chaque étape de sa
prise en charge (diagnostic positif, choix des examens d'imagerie, diagnostic
étiologique, appréciation de la gravité, place de l'antibiothérapie
prophylactique, conduite à tenir devant la nécrose stérile ou infectée) est
l'objet de controverses. Sur de nombreux points de litige, des études, souvent
randomisées, sont maintenant disponibles. Il paraissait opportun d'essayer de
dégager un consensus sur les pratiques recommandables en matière de prise en
charge de la PA.
Deux
enquêtes récentes françaises ont donné un éclairage sur l'épidémiologie et les
pratiques professionnelles dans notre pays. L'ensemble de ces résultats
concernant l'incidence, les formes étiologiques, la gravité, rejoint la plupart
des statistiques internationales les plus récentes. Une grande disparité dans
la prise en charge de ces malades a été trouvée : grande variété de pratiques
concernant les méthodes diagnostiques employées, l'utilisation des scores de
gravité, les différentes techniques d'imagerie pour le diagnostic d'origine
biliaire de la PA, les critères de transfert en réanimation, ainsi que les
principales options thérapeutiques. Elles soulignent surtout la différence de
comportement entre les représentants des différentes spécialités dans la prise
en charge de cette affection quel que soit leur établissement d'exercice. Cette
disparité de pratiques professionnelles souligne l'intérêt de la tenue de cette
Conférence de Consensus.
Le Jury a
eu à répondre aux six questions suivantes :
1. Comment faire le diagnostic positif et
étiologique ?
2. Comment et à quel moment établir la
gravité d'une pancréatite aiguë ?
3. Comment prendre en charge les formes non
compliquées ?
4. Comment prendre en charge les formes
compliquées ?
5. Comment traiter une pancréatite aiguë
biliaire ?
6. Peut-on prévoir et prévenir la pancréatite
aiguë post-CPRE ?
Les
douleurs abdominales sont présentes dans près de 100 % des cas. Le début des
douleurs représente le début de l'histoire de la maladie.
Les autres
signes cliniques (non spécifiques ou rares) n'ont pas d'intérêt pratique.
Le dosage
de la lipasémie a une valeur diagnostique supérieure à celle de l'amylasémie et
de l'isoamylase pancréatique. L'élévation de la lipasémie est plus prolongée
que celle de l'amylasémie. Un taux de 3N est considéré comme valeur seuil
significative pour ces enzymes. Le dosage de la lipasémie doit pouvoir être
obtenu en urgence. L'intérêt de l'association du dosage de l'amylasémie et de
la lipasémie par rapport au dosage isolé de la lipasémie n'est pas démontré.
La mesure
du trypsinogène de type 2 sur bandelette urinaire pourrait être proposée dans
les services d'urgence pour éliminer l'hypothèse d'une PA, en raison de sa
forte valeur prédictive négative (VPN : 99 %). Aucun autre test n'a prouvé son
intérêt.
Toute
douleur abdominale aiguë évocatrice associée à une élévation de la lipasémie
supérieure à 3 N dans les 48 premières heures suivant le début des symptômes
fait porter le diagnostic de PA. Lorsque le diagnostic de PA est porté sur des
signes cliniques et biologiques, il n'y a pas lieu de réaliser un examen
d'imagerie pour le confirmer.
En cas de
doute diagnostique, l'examen de référence est la tomodensitométrie (TDM). Elle
peut établir à elle seule le diagnostic de PA. Elle permet le diagnostic
différentiel. Pour le diagnostic de PA, la TDM nécessite une injection de
produit de contraste iodé. Dans l'impossibilité d'un recours en urgence
à la TDM, l'échographie abdominale peut aider au diagnostic. Elle est cependant
toujours d'interprétation difficile, et ne permet pas d'explorer la région
pancréatique dans près de 40 % des cas. L'imagerie par résonance magnétique
(IRM) est supérieure à la TDM dans l'analyse des signes morphologiques
pancréatiques et extra-pancréatiques. Sous réserve d'une plus grande
accessibilité des appareils et d'une standardisation des protocoles, l'IRM
pourrait être proposée en remplacement de la TDM. Ceci est particulièrement
vrai pour les malades avec ou à risque d'insuffisance rénale car elle utilise
un produit de contraste de très faible toxicité (chélates de gadolinium) pour
apprécier le rehaussement vasculaire.
En France,
les deux causes les plus fréquentes de PA sont l'alcoolisme et la lithiase
biliaire qui représentent chacune environ 40 % des cas.
L'origine
biliaire de la PA est à rechercher en priorité en raison de sa fréquence et de
l'existence d'un traitement spécifique. Les arguments cliniques en faveur d'une
cause lithiasique sont l'âge supérieur à 50 ans et le sexe féminin (deux fois
plus fréquent). Le meilleur marqueur biologique de PA biliaire est l'élévation
des ALAT, qui doivent être dosées précocement. Au seuil de 3N, leur valeur
prédictive positive est de 95 %. L'élévation de la bilirubine témoigne plus
d'un obstacle cholédocien persistant que de l'origine biliaire d'une PA.
La
recherche de l'origine biliaire d'une PA doit être systématiquement effectuée,
même en l'absence de critères clinico-biologiques évocateurs. Elle peut
s'envisager dans deux circonstances : en urgence, uniquement si l'on envisage
de traiter une éventuelle lithiase cholédocienne ; à distance, pour chercher
une lithiase vésiculaire et poser l'indication d'une cholécystectomie.
La TDM
peut objectiver une lithiase vésiculaire ou cholédocienne, mais sa VPN est
faible. La sensibilité (Se) de l'échographie pour le diagnostic de lithiase
cholédocienne est faible (30 %). Elle plus élevée pour le diagnostic de
lithiase vésiculaire (90 %), sauf à la phase initiale (67 %) en raison de
l'iléus. Il est donc recommandé de répéter l'échographie avant de pratiquer des
explorations plus complexes. La présence d'un "sludge" vésiculaire
est d'interprétation délicate chez les malades à jeun depuis plusieurs jours.
Une échographie vésiculaire normale n'exclut pas l'origine biliaire de la PA.
En cas de
négativité de l'échographie éventuellement répétée et de la TDM, l'examen le
plus performant est l'échoendoscopie (EE), aussi bien pour le diagnostic de
lithiase cholédocienne que vésiculaire. La cholangio-IRM est une méthode non
invasive dont la place reste à préciser.
En cas de
négativité des examens précédents et en l'absence d'autre cause de PA, la
recherche de microcristaux dans la bile duodénale ou cholédocienne peut
permettre de déterminer l'origine biliaire. Cette technique difficile, dont la
réalisation doit être rigoureuse, est réservée aux PA récidivantes.
Environ 20
% des PA ne sont ni d'origine biliaire ni d'origine alcoolique. L'exhaustivité
et la répétition de l'enquête étiologique, en particulier en cas de PA
récidivante, sont susceptibles de diminuer le pourcentage de PA dites
idiopathiques. Il faut insister sur la difficulté d'éliminer, d'une part,
l'origine biliaire d'une PA en raison de l'existence de calculs inframillimétriques,
d'autre part, une pancréatite chronique alcoolique débutante. Parfois seule
l'évolution permettra de rattacher un épisode de PA à une pancréatite chronique
vue précocement.
L'interrogatoire
et le contexte clinique permettent d'emblée d'évoquer une PA iatrogène (CPRE,
postopératoire ou médicamenteuse). L'imputabilité intrinsèque d'un médicament
repose sur des critères chronologiques cohérents et sur l'élimination des
autres causes de PA. L'imputabilité extrinsèque repose sur des données
bibliographiques ou informatisées (Pancréatox") [Gastroenterol Clin Biol
2001;25:1S22-7]. Lorsqu'une origine médicamenteuse a été suspectée, le cas doit
être signalé au Centre Régional de Pharmacovigilance.
Les PA
infectieuses peuvent être bactériennes, virales (VIH) ou parasitaires.
Les
examens biologiques initiaux devront chercher une cause métabolique
(hypertriglycéridémie ou hypercalcémie) ; ces examens devront de nouveau être
réalisés à distance de l'épisode aigu.
Les PA
d'origine génétique doivent être cherchées chez un sujet jeune présentant un
contexte clinique évocateur. Les PA associées aux entérocolites inflammatoires
(maladie de Crohn) ou aux maladies systémiques (lupus, vascularite) seront
cherchées par un interrogatoire ciblé.
Une cause
obstructive, en particulier néoplasique, devra être cherchée au mieux par EE
(ou IRM ?) réalisée à distance de l'épisode de PA.
En cas de
PA récidivante sans cause déterminée au terme de ces explorations, une CPRE
sera réalisée à la recherche d'anomalies canalaires.
Au terme
de ces investigations qu'il faudra au besoin répéter, surtout dans les formes
récidivantes, un certain nombre de PA demeurent "idiopathiques".
La PA
grave est définie par l'existence d'une défaillance d'organes et/ou par la
survenue d'une complication locale à type de nécrose, d'abcès ou de
pseudokyste. Elle est associée à une mortalité de 30 %. Les éléments
d'appréciation de la gravité du pronostic doivent permettre de sélectionner et
d'orienter les malades graves vers un service de réanimation, d'identifier ceux
dont l'aggravation nécessitera une prise en charge différente et de définir des
cohortes de malades homogènes statistiquement comparables.
Les
éléments d'appréciation retenus sont
a) le
terrain (âge > 80 ans, obésité : BMI > 30, insuffisances organiques
préexistantes)
b) les
scores biocliniques spécifiques (Ranson, Imrie) avec 3 pour valeur seuil
Score de Ranson (1
point par item) |
Score d'Imrie (1
point par item) |
A l'admission ou au moment du diagnostic - Age > 55 ans |
- Age > 55 ans |
Durant les 48
premières heures - Baisse hématocrite > 10% |
c)
les éléments d'évaluation et de gradation de la défaillance d'organes qui comportent
des critères hémodynamiques (fréquence cardiaque, tension artérielle < 90
mmHg malgré un remplissage, perfusion cutanée), respiratoires (fréquence
respiratoire, PaO2 sous air < 60 mmHg (8 kPa), SpO2), neurologiques
(agitation, confusion, somnolence, score de Glasgow neurologique < 13),
rénaux (diurèse, créatininémie > 170 mmol·L-1) et hématologiques
(plaquettes < 80 G·L-1). Ils peuvent être regroupés sous forme de
scores. Ils permettent de réaliser une évaluation continue du malade. Ils ne
sont pas spécifiques de la PA ;
d) la C
reactive protein (CRP) : malgré l'absence de validation, un taux > 150 mg·L-1
à la 48e heure est retenu. Son augmentation au cours de l'évolution doit faire
rechercher une aggravation locale ;
e) la TDM
: l'index de sévérité TDM (tableau), décrit par Balthazar, présente une bonne
corrélation avec la morbidité et la mortalité. Il est évalué au mieux à j3. Il
est recommandé de le mentionner dans les compte-rendus. L'analyse TDM tiendra
également compte d'éléments pronostiques non intégrés dans l'index de gravité :
ascite, épanchement pleural, siège céphalique de la nécrose, complications des
coulées (infection, fistule, pseudo-anévrysme, thrombose veineuse).
Inflammation
pancréatique et péripancréatique |
Nécrose pancréatique |
Grade A : pancréas normal (0pt) Grade B : élargissement focal ou diffus du
pancréas (1pt) Grade C : Pancréas hétérogène associé à
une densification de la graisse péri-pancréatique (2
pts) Grade D : Coulée péri pancréatique unique (3pts) Grade E : Coulées multiples ou présence de
bulles de gaz au sein d'une coulée (4pts) |
Pas de nécrose* (0pt) Nécrose < 30 % (2pts) Nécrose 30-50 % (4pts) Nécrose > 50 % (6pts) |
* Défaut
de rehaussement du parenchyme pancréatique
Total (maximum 10 points
Index de sévérité |
Morbidité % |
Mortalité % |
< 3 |
8 |
3 |
4 -6 |
35 |
6 |
7 - 10 |
92 |
17 |
Les
performances du score APACHE
II sont comparables à celles des scores spécifiques de gravité. Ce score
est peu utilisé en France, même en réanimation. Le SAPS II, utilisé en France, n'a
pas été étudié dans la PA. Le dosage du peptide activateur de la trypsine (TAP)
est prometteur mais encore en cours de validation. L'IRM, bien que supérieure à
la TDM dans l'appréciation des lésions pancréatiques et péripancréatiques, est
difficilement utilisable pour les malades de réanimation et mal adaptée aux
gestes interventionnels. Le nombre restreint d'appareils est une contrainte
majeure. L'étude du liquide péritonéal, trop invasive pour un rendement
diagnostique faible, doit être abandonnée.
La
survenue d'une défaillance viscérale justifie à elle seule et à tout moment le
passage en réanimation. Sa recherche est effectuée de façon pluri-quotidienne
dans les 48 premières heures. Après 48 h, on définit des malades à risques sur
la base d'un score de Ranson ou d'Imrie > 3, d'une CRP > 150mg·L-1,
d'un index de sévérité TDM > 4, ou d'un terrain particulier. Ces malades
justifient une surveillance renforcée clinique, biologique (créatininémie, SpO2
ou gaz du sang, hémogramme quotidiens et CRP bihebdomadaire) et radiologique
(TDM tous les 10 à 15 jours ou en cas de suspicion de complications).
Tout
malade porteur d'une PA doit être hospitalisé. Compte tenu de l'évolution
possible vers une forme compliquée, cette hospitalisation doit se faire dans
des services spécialisés en pathologie digestive ayant accès à une endoscopie
bilio-pancréatique, à proximité d'un service de réanimation et d'un service de
radiologie équipé d'un scanner et de moyens de radiologie interventionnelle.
Les malades doivent être évalués cliniquement plusieurs fois par jour pour
détecter rapidement toute aggravation. Le dosage itératif des enzymes
pancréatiques n'a pas d'intérêt. En l'absence d'aggravation, il n'y a pas
d'indication à renouveler la TDM si elle a été réalisée initialement.
Du fait de
l'iléus réflexe et des vomissements, les malades ont tendance à présenter une
déshydratation extracellulaire justifiant des apports hydro-électrolytiques
importants. Seuls les vomissements répétés justifient la mise en place d'une
sonde nasogastrique d'aspiration. Le jeûne s'impose souvent en raison des
douleurs et de l'intolérance digestive. Il ne doit pas être prolongé et une
réalimentation orale progressive est possible après 48 heures sans douleur. La
mise en route d'une nutrition artificielle est inutile si la reprise de
l'alimentation se fait avant le septième jour.
La douleur
doit être évaluée et traitée. Les dérivés salicylés et les anti-inflammatoires
non stéroïdiens sont contre-indiqués en raison de leurs effets secondaires. Le
paracétamol peut être suffisant mais doit être utilisé avec prudence chez les
malades alcooliques. La morphine est l'antalgique de choix pour les douleurs
importantes. L'analgésie contrôlée par le malade est une modalité bien adaptée.
L'antibiothérapie
préventive, les antisécrétoires gastriques, la somatostatine, l'octréotide, les
extraits pancréatiques n'ont pas d'indication.
Les
traitements spécifiques ont pour objectif de s'opposer à l'auto-digestion
enzymatique du pancréas (aprotinine, gabexate, camostat), de contrôler la
sécrétion pancréatique (atropine, glucagon, somatostatine, octréotide) ou de
neutraliser les médiateurs de l'inflammation (antagonistes des cytokines, y
compris le lexipafant). Aucun n'a fait la preuve de son efficacité sur
l'incidence des complications et sur la mortalité.
La PA peut
se compliquer de défaillances viscérales qui font la gravité de la maladie, et
dont le traitement n'est pas spécifique.
L'atteinte
respiratoire peut être secondaire à des épanchements pleuraux, à une altération
de la cinétique diaphragmatique responsable d'atélectasies des bases. La PA
grave est une cause fréquente de syndrome de détresse respiratoire de l'adulte.
Les
défaillances circulatoires comportent le plus souvent une hypovolémie notamment
en rapport avec l'iléus intestinal et les épanchements. L'insuffisance
hépatique survient généralement après une défaillance circulatoire sévère.
L'insuffisance rénale est souvent fonctionnelle. La nécessité d'une épuration
extra-rénale est de pronostic péjoratif.
La PA
compliquée est une agression sévère responsable d'un état hypercatabolique dans
60 % des cas et justifiant un support nutritionnel. Les besoins énergétiques
varient selon la gravité. Les principes généraux sont ceux appliqués à la
nutrition des malades agressés. Les lipides ne sont pas contre-indiqués sauf en
cas d'hypertriglycéridémie importante. Les besoins azotés sont élevés. Une
supplémentation en micronutriments, en particulier à visée anti-oxydante et en
zinc, est indiquée. L'efficacité d'une supplémentation en glutamine, des
solutions de nutrition entérale à visée immunomodulatrice et des nouvelles
émulsions lipidiques à base d'huile d'olive ou de poisson, mériterait d'être
confirmée dans cette indication.
Le support
nutritionnel se fait par voie entérale, le plus précocement possible, en site
jéjunal, à l'aide d'une sonde naso-jéjunale. La mise en place d'une
jéjunostomie ne doit pas être par elle-même une indication chirurgicale. La
nutrition parentérale est indiquée en complément de la nutrition entérale si
les objectifs d'apports ne sont pas atteints ou en remplacement de celle-ci, si
elle n'est pas tolérée.
La nécrose
pancréatique est l'un des déterminants essentiels de l'évolution locale et du
pronostic de la PA. Sa définition anatomique est celle de la Conférence de
Consensus d'Atlanta de 1992 : la nécrose glandulaire est définie comme une
(des) zone(s) de parenchyme pancréatique non viable focalisée(s) ou diffuse(s),
éventuellement localisée(s) en périphérie glandulaire, et éventuellement
associée(s) à une nécrose graisseuse péri-pancréatique. Cette définition
anatomique est actuellement supplantée par une définition d'imagerie TDM et IRM
: la nécrose pancréatique est évoquée devant la présence de zones qui ne se
rehaussent pas après injection de produit de contraste.
L'évolution
de la nécrose pancréatique est dominée par le risque d'infection secondaire.
C'est la plus grave des complications locales et l'on estime que plus de 80 %
des décès par PA sont dus aux complications septiques locorégionales.
La contamination
de la nécrose se fait par translocation d'origine colique, par contiguïté ou
par voie sanguine. L'apparition de l'infection peut survenir dès la première
semaine. Le risque d'infection augmente progressivement jusqu'à la troisième
semaine d'évolution puis décroît. La probabilité de survenue de l'infection
semble proportionnelle à l'étendue de la nécrose.
En
l'absence de surinfection au-delà de la quatrième semaine, la nécrose évolue
vers la résorption dans plus de 50 % des cas. Elle peut évoluer vers la
constitution de pseudokystes ou d'abcès pancréatiques.
L'infection
de la nécrose pancréatique est plurimicrobienne. Ce constat a conduit à
proposer une antibiothérapie systématique, précoce et prolongée, administrée par
voie systémique et/ou digestive. Si des études animales pouvaient justifier
quelques espoirs, les résultats des études cliniques actuellement disponibles
prêtent à discussion sur de nombreux points méthodologiques et incitent à une
réserve prudente. Les risques en matière d'écologie liés à des prescriptions
s'écartant des bonnes pratiques de l'antibiothérapie doivent être pris en
considération. Pour toutes ces raisons, dans l'état actuel des connaissances,
une antibiothérapie précoce préventive systématique ne peut être recommandée.
La
démonstration de l'infection de la nécrose est indispensable à la prise en
charge thérapeutique de la PA. Si les arguments cliniques, TDM et biologiques
ont une valeur d'orientation, seule l'étude microbiologique des prélèvements
obtenus par ponction percutanée guidée par imagerie permet d'affirmer le
diagnostic d'infection et d'identifier le germe.
La
ponction n'est indiquée que chez les malades présentant un faisceau d'arguments
cliniques, TDM et biologiques faisant suspecter l'infection de la nécrose. La
ponction systématique n'est pas justifiée. La ponction est le plus souvent
réalisée à l'aiguille fine (18 à 22 G), sous guidage TDM. Il faut ponctionner,
sous réserve de leur accessibilité, les lésions dont le remaniement TDM est le
plus évocateur d'infection. Il ne faut pas ponctionner le tissu pancréatique
sain. L'infection pouvant survenir dès la première semaine, la ponction doit
être réalisée précocement. Il est licite de répéter la ponction chez les
malades dont les troubles persistent ou se majorent après une première ponction
négative. Le prélèvement doit être immédiatement traité pour identification du
germe et antibiogramme. Parfois, les caractéristiques macroscopiques du
prélèvement permettent de transformer immédiatement le geste diagnostique en
geste thérapeutique de drainage.
La nécrose
stérile n'a pas à faire l'objet de résection ou de drainage. Seules la nécrose
et les collections infectées, confirmées par ponction diagnostique, doivent
être traitées par voie chirurgicale, percutanée ou mixte.
Les buts
du traitement sont l'évacuation des débris nécrotiques et le drainage des
collections infectées, en respectant le pancréas restant.
Le
drainage chirurgical reste la technique la plus classique. Les avantages
respectifs des diverses techniques chirurgicales n'ont pas été démontrés. Aucun
argument scientifique ne justifie les résections pancréatiques réglées
précoces. La technique doit être adaptée aux lésions anatomiques ; la
nécrosectomie associée au lavage continu, après fermeture de la laparotomie,
semble devoir être privilégiée. L'évolution oblige souvent à des interventions
itératives. Les résultats du drainage percutané sont améliorés par l'emploi de
drains de gros calibre. Le drainage percutané a une durée longue, et une
gestion délicate.
La place
respective des méthodes chirurgicales et percutanées n'est pas encore établie,
mais la tendance actuelle est à une association dans le temps des deux
méthodes, selon des modalités à affiner dans une démarche multidisciplinaire.
L'évolution
de la majorité des PA biliaires est spontanément favorable en quelques jours et
seul le problème de la prévention de la récidive se pose. La chirurgie biliaire
n'a pas de place en urgence. Seule la sphinctérotomie endoscopique (SE) peut
avoir un intérêt.
Deux
situations font l'objet d'un consensus : a) en cas d'angiocholite et/ou
d'ictère obstructif, la SE est indiquée quels que soient la durée d'évolution
et le degré de gravité ; b) dans les PA bénignes d'évolution favorable, il n'y
a pas d'indication à réaliser une SE en urgence.
Deux
situations ne font pas l'objet d'un consensus : a) dans les PA graves, la SE
peut être réalisée en urgence par une équipe disposant d'un plateau technique
adapté. Elle n'est indiquée qu'au cours des 72 premières heures d'évolution ;
b) dans les PA vues à un stade précoce (12 premières heures), il est difficile
de prédire la gravité de l'évolution et aucune recommandation ne peut être
faite.
Dans les
formes de PA non compliquées, le pronostic est dominé par le risque de récidive
.
Une
cholécystectomie doit être réalisée, et la voie laparoscopique, au cours de la
même hospitalisation, est le traitement de référence de la lithiase
vésiculaire. En fonction de l'équipement et du degré d'expertise de chaque
centre, la recherche et le traitement de la lithiase cholédocienne peuvent se
faire, soit dans le même temps que la cholécystectomie laparoscopique, soit
avant celle-ci à l'aide d'un examen de haute performance diagnostique (EE ou
IRM) en vue d'une SE préopératoire.
Dans les
PA graves, le pronostic est dominé par les complications générales et
locorégionales. La cholécystectomie laparoscopique peut être réalisée à
distance des phénomènes aigus mais s'accompagne d'un taux de conversion élevé.
Chez les
malades à très haut risque opératoire, une SE sans cholécystectomie associée
est préconisée.
La PA
post-CPRE est à distinguer de l'hyperamylasémie ou de l'hyperlipasémie isolées
fréquemment observées au décours de cet examen. Les facteurs de risque sont
multiples liés au malade, à la technique et à l'opérateur. Même en l'absence de
tout facteur de risque, la pancréatite post CPRE peut survenir de façon
imprévisible.
La
meilleure prévention consiste à limiter les indications diagnostiques de CPRE.
La prévention médicamenteuse reste décevante. Le drainage pancréatique
prophylactique par endoprothèse reste à valider.
Le
diabète, insulinodépendant ou non, survient avec une fréquence variable,
favorisé par une nécrose étendue et la pancréatectomie gauche. Il est toujours
définitif et peut s'aggraver. L'insuffisance pancréatique exocrine, avec ou sans
manifestation clinique, constante au décours immédiat de la PA, s'améliore
souvent spontanément. Les explorations fonctionnelles ne seront faites qu'en
cas de signes cliniques persistants.
Les
anomalies canalaires, fréquentes, semblent favorisées par le caractère
nécrosant de la pancréatite et l'origine alcoolique. Elles sont cherchées en
cas de PA récidivante non expliquée. Les pseudokystes compliquent 10 à 25 % des
PA nécrosantes et régressent parfois spontanément au cours des deux premiers
mois. Une régression tardive est d'autant plus probable que le pseudokyste est
asymptomatique ou de petite taille. Les pseudokystes symptomatiques doivent
être traités. Le traitement peut être endoscopique, radiologique ou
chirurgical. Les fistules pancréatiques internes et externes ont un traitement
de première intention médical ou endoscopique ; la chirurgie est réservée aux
échecs.
Au total,
la qualité de vie après PA est globalement bonne. Ces résultats à long terme
justifient une prise en charge de niveau élevé.
L'organisation
de cette Conférence de consensus a été rendue possible grâce à l'aide apportée
par les Laboratoires : AstraZeneca, Aventis Hoechst Houdé, Baxter, Boston
Scientific, Bristol-Myers-Squibb, Byk France, Fresenius Kabi France, Fujinon,
GlaxoWellcome, Ipsen Biotech, Janssen Cilag, MSD Chibret, Nestle Clinical
Nutrition France, Novartis Pharma, Nutricia France, Parke Davis &endash;
Pfizer, Pentax, Sanofi Synthelabo France, Schering Plough, SmithKline Beecham,
Solvay Pharma, et Takeda.