Août
1996
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L'Agence Nationale pour le Développement de
l'Évaluation Médicale a été saisie par le Ministère de la Santé et des Affaires
Sociales afin d'élaborer, en collaboration avec le Comité Technique National
des Infections Nosocomiales (CTIN) et les principales Sociétés Savantes
concernées, des recommandations sur " le bon usage des antibiotiques à
l'hôpital ", dans l'optique d'une démarche qualité et d'une maîtrise du
développement de la résistance bactérienne.
Depuis que les médicaments anti-infectieux sont
utilisés, la résistance des micro-organismes (bactéries, champignons, parasites
mais également virus) à ces médicaments n'a cessé d'augmenter. Cette évolution
a été particulièrement spectaculaire pour les antibiotiques depuis une
vingtaine d'années.
La prévalence de la résistance bactérienne aux
antibiotiques est préoccupante dans les établissements de soins en France. Le
choix d'antibiotiques efficaces y est rendu difficile quand il est encore
possible. Par ailleurs, cette prévalence de bactéries multirésistantes et la
gravité des infections qu'elles induisent, amènent à prescrire largement les
quelques molécules encore actives, souvent les plus récentes et/ou de spectre
étendu. Ces pratiques favorisent l'émergence de nouvelles résistances et de plus,
induisent des surcoûts.
La prescription des antibiotiques doit prendre en
compte non seulement l'effet recherché sur l'infection des malades traités,
mais aussi leurs effets sur l'écologie bactérienne et donc sur la collectivité.
Il est ainsi essentiel de retarder l'apparition et/ou l'extension des
résistances bactériennes et de préserver le plus longtemps possible l'activité
des antibiotiques. Ces recommandations visent au bon usage des antibiotiques.
Elles s'intègrent dans une stratégie de contrôle de la résistance bactérienne
dont l'autre principe de base est d'interrompre la transmission épidémique des
bactéries résistantes.
Ces recommandations sont fondées sur l'étude de la
littérature française et internationale, les dispositions réglementaires actuellement
en vigueur et l'avis d'experts. Elles ne comportent pas de "recettes
antibiotiques". Elles contiennent des règles utiles à la prescription,
ainsi que les éléments essentiels à une politique antibiotique à l'hôpital.
Chaque établissement de soins doit utiliser ces recommandations pour mettre en
place une politique antibiotique dont le contenu est défini par consensus
interne.
Tous les professionnels de santé, y compris les gestionnaires, ont leur
part de responsabilité et donc un rôle dans le Bon Usage des Antibiotiques à
l'hôpital.
Ces recommandations précisent:
Conformément aux dispositions réglementaires, le
COM.MED, est chargé:
Compte tenu des volumes de prescription et du
développement des résistances bactériennes, la gestion des antibiotiques est
une mission prioritaire du COM.MED.
La politique de l'établissement est définie dans le
cadre de réunions régulières consacrées aux antibiotiques ou déléguée à une
sous-commission (commission des antibiotiques).
La commission des antibiotiques comprend au minimum
un représentant de la pharmacie, du laboratoire de microbiologie, du service
des maladies infectieuses, du CLIN (Circulaire DGS-DH n° 77 du 19 avril 1996),
du service ou de l'unité d'hygiène hospitalière, et des services cliniques les
plus concernés parce que gros consommateurs d'antibiotiques.
La commission des antibiotiques est chargée
d'élaborer et de proposer au COM.MED puis à la Commission Médicale
d'Etablissement (CME) la politique antibiotique de l'établissement.
Les principales actions à mettre en oeuvre sont:
Ces dispositions sont de nature à favoriser la
qualité des prescriptions des antibiotiques et leur surveillance.
Les antibiotiques doivent faire l'objet d'une
prescription nominative datée et signée lisiblement, mentionnant le nom du
malade et la durée prévisionnelle d'administration, et transmise à la pharmacie
(Décret n° 88-1231 du 29 décembre 1988 et Arrêté du 9 août 1991).
Pour des raisons de traçabilité, de surveillance et d'analyse des consommations
l'informatisation de la prescription et de la dispensation est indispensable.
La réévaluation entre le 3e et le 5e jour de la
prescription contribue au bon usage en particulier dans le cadre des
antibiothérapies probabilistes. La poursuite du traitement est soumise à l'avis
d'un médecin senior (médecin du service, infectiologue ou référent désigné).
Différentes modalités sont envisageables: par
exemple, des ordonnances à durée limitée peuvent être utilisées pour certaines
indications (= 2 jours en prophylaxie, 3 à 5 jours en situation probabiliste, 7
à 10 jours pour une indication documentée), ou pour certains antibiotiques
(liste établie par le COM.MED).
Ces techniques et modalités ont été décrites dans la
littérature comme ayant un impact favorable. Cependant, on ne connaît pas
celles qui, seules ou en association, sont les plus efficaces. Chaque commission
des antibiotiques devrait donc déterminer la stratégie paraissant la plus
adaptée à la situation locale. Il est par ailleurs souhaitable de développer la
recherche dans ce domaine.
Les règles d'utilisation des antibiotiques doivent
permettre de limiter l'émergence de bactéries résistantes non seulement dans le
foyer initial mais aussi dans les flores commensales.
Bien que l'efficacité des
associations d'antibiotiques pour prévenir l'émergence de bactéries résistantes
dans ces situations soit mal documentée, des arguments tirés d'études in vitro
et de modèles animaux rendent légitime le recours à des associations dans de
telles situations, au moins pendant les premiers jours du traitement.
à l'échelle d'un hôpital un antibiotique à un autre
antibiotique non exposé aux mêmes mécanismes de résistance
("cycling"), il n'existe actuellement pas d'arguments suffisants pour
préconiser une telle pratique.
Chaque hôpital devrait bénéficier des services d'un
laboratoire de microbiologie ou au moins d'un biologiste qualifié en
bactériologie.
Les mêmes indices peuvent être
utilisés pour d'autres bactéries résistantes en fonction de la situation
épidémiologique locale.
Ces informations sont adressées au CLIN, à la
commission des antibiotiques, et aux services cliniques.
Les missions des pharmacies hospitalières sur le
médicament en France sont définies par la Loi n° 92-1279 du 8 décembre 1992.
La pharmacie achète et met à disposition des
prescripteurs les antibiotiques admis par le COM.MED en concertation avec le
CLIN (Circulaire DGS-DH n°17 du 19 avril 1995). Elle détient en permanence les
antibiotiques définis comme indispensables, et s'approvisionne dans des délais
compatibles avec la sécurité des patients en produits d'utilisation plus
ponctuelle. Elle veille à ce que la continuité des traitements soit assurée.
Les antibiotiques administrés par voie systémique
appartiennent au registre des substances vénéneuses et doivent être prescrits
sur ordonnance nominative (Arrêté du 9 août 1991, portant application de l'article
R. 5203 du Code de la Santé Publique). La pharmacie les dispense après
"analyse pharmaceutique de l'ordonnance" décrite à l'Arrêté du 9 août
1991 (identification du patient et du prescripteur, posologie et rythme
d'administration...).
Pour les antibiotiques à distribution contrôlée, la pharmacie doit pouvoir
s'assurer en outre de la conformité de la prescription avec les recommandations
du COM.MED.
En liaison avec le COM.MED et le CLIN, la pharmacie
doit fournir et actualiser la liste des antibiotiques disponibles, les
recommandations de bonnes pratiques d'administration et les coûts de traitement
journalier. Certaines de ces informations pourraient utilement figurer sur les
ordonnances.
La pharmacie hospitalière a des missions d'évaluation
(pharmaco-épidémiologique, pharmaco-économique, et de pharmacovigilance) et
d'aide à la prescription (art. L. 592-2 de la Loi n° 92-1279 du 8 décembre
1992).L'évaluation des pratiques de prescription, les actions visant à
promouvoir le bon usage des antibiotiques s'intègrent dans ces missions.
Dans ce cadre, la mise en oeuvre d'un système d'information permettant le suivi
et l'analyse des consommations d'antibiotiques est un objectif prioritaire.
Ce système doit permettre de fournir de façon
régulière et périodique (au moins annuelle) au COM.MED et aux services
cliniques des données:
Ce système d'information, mais aussi la gestion des
ordonnances et de la dispensation nominative des antibiotiques impliquent des
moyens appropriés, en particulier informatiques, des services de pharmacie
hospitalière.
L'élaboration de recommandations adaptées aux
situations cliniques les plus fréquentes ou induisant l'emploi d'antibiotiques
à large spectre (et en particulier des produits les plus récents et/ou qu'il
convient de préserver) est nécessaire. Ces recommandations doivent être
formulées sous forme de protocoles écrits. De tels protocoles sont
indispensables au minimum dans les services fortement utilisateurs
d'antibiotiques (par exemple chirurgie et hématologie), les unités de soins faisant
appel à de nombreux prescripteurs (urgences en particulier), les services à
risque élevé de résistance bactérienne (réanimation, long et moyen séjours) et
pour les antibiotiques à usage topique destinés à prévenir ou traiter les
colonisations. Ces protocoles doivent être approuvés par la commission des
antibiotiques et leur observance doit faire l'objet d'évaluations périodiques.
L'élaboration de protocoles spécifiques, la mise en
oeuvre de recommandations générales, l'analyse et la valorisation des données
de surveillance issues de la pharmacie et du laboratoire de microbiologie,
l'actualisation et la diffusion des connaissances seraient grandement
facilitées et optimisées par la désignation d'un correspondant de la commission
des antibiotiques dans les services cliniques, et en particulier dans les
secteurs de soins les plus concernés par la résistance bactérienne.
Ceci permettrait de surveiller l'incidence de la
résistance et d'en analyser les éventuels facteurs favorisants et les
conséquences. Le COM.MED doit présenter une synthèse de ces informations à la
CME, au moins une fois par an et veiller à ce qu'une information régulière soit
délivrée à l'ensemble des personnels participant à ce dispositif.
Cette formation se situe à plusieurs niveaux:
Les firmes pharmaceutiques jouent un rôle important
dans l'information relative aux antibiotiques et le COM.MED doit s'assurer que
cette information est conforme et en accord avec les recommandations et les
actions de l'hôpital. Différentes formules sont envisageables dont des réunions
des membres de la commission des antibiotiques où sont invités les
représentants des firmes pharmaceutiques concernées et les référents des
services cliniques;
La réalisation et la communication des résultats
d'enquêtes sur les pratiques en antibiothérapie, d'audits cliniques, du
monitorage de médicaments cibles contribuent à améliorer la qualité de la prise
en charge des infections bactériennes. Il peut être intéressant de coupler
certaines de ces méthodes à des enquêtes de prévalence des infections
nosocomiales et à l'étude des mesures de prévention de la transmission croisée
des bactéries résistantes.
Il est nécessaire de disposer au plan national de
données représentatives et valides sur l'épidémiologie de la résistance aux
antibiotiques des principales espèces bactériennes d'intérêt médical. Un
observatoire national de la résistance bactérienne disposant de moyens
informatiques et humains suffisants pourrait regrouper les informations
recueillies par les centres nationaux de référence, les laboratoires de
bactériologie hospitaliers et de ville, les réseaux déjà existants, les CCLIN
ou CLIN. Une fois regroupées et analysées, ces informations devraient permettre
de connaître et de dégager les tendances évolutives et d'identifier les
phénomènes épidémiques.
Ces recommandations ont été élaborées sur la base des
connaissances actuelles après analyse de la littérature disponible et
concertation entre professionnels. Il apparaît que de nombreux problèmes
restent à résoudre. En particulier, l'efficacité de certaines stratégies doit
être évaluée. Il est donc indispensable que des protocoles rigoureux et
pertinents soient consacrés à ce type de recherche. Une meilleure connaissance
nationale des consommations d'antibiotiques, l'impact des politiques
d'utilisation des antibiotiques, y compris l'alternance des antibiotiques sur
la résistance bactérienne, et la détection précoce des nouvelles résistances
devraient faire l'objet de travaux prioritaires.
Cette recherche sera nécessairement
multidisciplinaire car un effort synergique entre les différents professionnels
est indispensable à son succès. L'ensemble des professionnels et des
institutions et sociétés savantes concernées par "Le Bon Usage des
Antibiotiques" doivent se donner les moyens de mettre en place et de
suivre une véritable politique antibiotique à l'hôpital.
Par souci de cohérence et d'efficacité, une démarche
complémentaire devrait être engagée pour ce qui concerne la prescription des
antibiotiques en médecine de ville. Les économies dégagées par une politique
antibiotique réussie doivent servir à financer les moyens de poursuivre cette
politique, ce qui est particulièrement incitatif pour les acteurs locaux
impliqués.