XXIème conférence de consensus en réanimation et médecine d'urgence sur le sevrage de la ventilation mécanique

 

Avec la participation de :
-  la Société Française d'Anesthésie et de Réanimation
-  la Société de Pneumologie de Langue Française
-  le Groupe Francophone de Réanimation et Urgences Pédiatriques

Sevrage de la ventilation mécanique (à l'exclusion du nouveau-né et du réveil d'anesthésie) Résumé

Jeudi 11 octobre 2001

Ecole Normale Supérieure - Lyon

Questions

-  1. Quand débuter le sevrage de la ventilation mécanique ?

-  2. Peut-on prévoir qu'un sevrage de la ventilation mécanique sera difficile ?

-  3. Comment conduire le sevrage de la ventilation mécanique ?

-  4. Quelles sont les particularités du sevrage de la ventilation mécanique selon le terrain ?

-  5. Quelles sont les possibilités en cas d'échec du sevrage de la ventilation mécanique ?


Introduction

La ventilation mécanique (VM) est associée à la survenue de complications dont l'incidence est d'autant plus grande que la durée de l'intubation est plus longue. La procédure de sevrage vise à réduire la durée de la VM tout en tolérant un pourcentage acceptable d'échecs. Cette procédure comporte trois étapes :

-     le prérequis à l'épreuve de ventilation spontanée (VS),

- -  l'épreuve de VS,

- -  la période de 48 heures au terme de laquelle le sevrage est considéré comme réussi ou non. La définition retenue par le jury pour le sevrage, est la procédure décrite ci-dessus aboutissant à l'interruption de la VM pendant 48 heures. Ce sevrage réussi s'accompagne habituellement de l'extubation.


1. Quand débuter le sevrage de la ventilation mécanique ?

-     L'opportunité d'interrompre la VM doit être recherchée dès son instauration, indépendamment de la pathologie sous-jacente [2].

-  La procédure de sevrage débute par la recherche du prérequis à l'épreuve de VS. Il comporte des critères généraux et respiratoires. Leur recherche effectuée, en règle générale, par le personnel infirmier et/ou les kinésithérapeutes, doit être précoce [c,3], quotidienne [c,3] et faire l'objet d'un protocole rédigé [a,1].

- -  Les critères généraux sont l'absence de vasopresseur et d'inotrope, l'absence de sédation et une réponse cohérente aux ordres simples [3]

-  Les critères respiratoires sont une valeur de FIO2 &Mac178; 50 %, et un niveau de PEP &Mac178; 5 cm H2O [c,3].

-  Le médecin peut s'affranchir d'un ou plusieurs de ces critères généraux ou respiratoires pour décider de l'épreuve de VS [3].

- -  L'utilisation systématique des paramètres de mécanique ventilatoire et des indices dérivés (pressions, résistance, compliance, commande ventilatoire) n'est pas recommandée [b,2].
-  Le sevrage est réussi dès la première tentative chez les 2/3 environ des patients sélectionnés sur ces critères. Le pourcentage d'échecs qui en découle est considéré comme acceptable en regard des risques d'une VM prolongée inutilement [3].


2. Peut-on prévoir qu'un sevrage de la ventilation mécanique sera difficile ?

-     Le sevrage de la VM est le plus souvent facile [a].

-      Le sevrage difficile est défini par l'échec de la première épreuve de VS, ou la reprise de la ventilation dans les 48 heures suivant son arrêt programmé [3].

-  Individualiser les patients à risque de sevrage difficile est important car la ré-intubation est un facteur de surmortalité [b,2].

-  Les critères prédictifs d'un sevrage difficile sont distincts de ceux prédisant l'échec du retrait de la prothèse endotrachéale [2].

-  Les facteurs de risque généraux d'un sevrage difficile sont : la durée de la VM [b], un score de gravité élevé [b], l'existence d'une BPCO [b], d'une pathologie neuromusculaire [c], et à un moindre degré d'une insuffisance cardiaque gauche, d'une coronaropathie ou d'une anxiété importante [c].

- -  Parmi les indices physiologiques utilisés pour prévoir l'issue de l'épreuve de VS, le rapport fréquence respiratoire sur volume courant (f/VT) est le plus souvent proposé mais son utilisation routinière ne peut être recommandée [b,3].

- -  Les autres indices sont insuffisamment spécifiques ou sensibles pour être recommandés en routine [b,3].

-     Les facteurs de risque d'échec de l' extubation sont : la toux inefficace, l'encombrement et la suspicion d'œdème laryngé [2].

- La présence de ces facteurs de risque ne doit pas retarder la procédure de sevrage, mais impose une vigilance accrue si l'extubation est décidée [3].


3. Comment conduire le sevrage de la ventilation mécanique ?

-  La mise en place d'un protocole de sevrage réduit la durée et les complications de la VM [a,1].
-  La recherche du pré requis à l'épreuve de VS doit être systématique et quotidienne [a,1].
-  Dans le cadre d'un protocole, cette recherche est efficacement réalisée par le personnel infirmier et/ou les kinésithérapeutes [a,1].
-  L'élaboration de ce protocole, obligatoirement écrit, doit prendre en compte la réflexion de toute l'équipe soignante [3].
-  L'adhésion de l'équipe soignante au protocole implique une diffusion large de ses objectifs, de ses modalités et de ses résultats à l'occasion de réunions régulières [3].
-  La présence du pré requis à l'épreuve de VS impose la réalisation sans délai, par le personnel infirmier et/ou les kinésithérapeutes, d'une épreuve de VS [2].
-  Le patient, installé de façon confortable en position semi-assise doit être informé, rassuré et encouragé. Une aspiration trachéo-bronchique doit être réalisée au préalable [3].
-  L'épreuve de VS peut être menée indifféremment sur une pièce en T ou en utilisant un faible niveau d'aide inspiratoire (AI) de l'ordre de 7 cm H2O [a,1].
-  L'utilisation d'un filtre échangeur de chaleur et d'humidité accroît l'espace mort instrumental et nécessite d'augmenter le niveau d'AI [b,2].
-  Il n'est pas recommandé d'adjoindre une pression expiratoire positive lors de l'épreuve de VS [3].
-  Le choix de la modalité de l'épreuve de VS est fonction des habitudes de l'unité [3].
-  La durée de cette épreuve de VS est comprise entre 30 et 120 minutes [1].
-  Lorsqu'un sevrage facile est prévisible, la durée de l'épreuve de VS peut être raccourcie sur décision médicale [3].
-  La surveillance repose sur l'évaluation de l'état clinique et sur le monitorage continu de la fréquence respiratoire, de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle et de l'oxymétrie de pouls [3].
-  L'apparition de critères de mauvaise tolérance (fréquence respiratoire > 35 cycles/mn, oxymétrie de pouls < 90 %, variation de plus de 20 % de la fréquence cardiaque ou de la pression artérielle systolique, sueurs, troubles de la vigilance, agitation) impose de vérifier la perméabilité de la sonde d'intubation et d'interrompre l'épreuve de VS après avoir prélevé des gaz du sang [b,3].
-  En l'absence de signe de mauvaise tolérance, la pratique de gaz du sang n'est pas systématique [3].
-  En cas de succès de l'épreuve de VS, les facteurs de risque d'échec de l'extubation doivent être recherchés [3].
-  En leur absence et après aspiration gastrique, le patient doit être extubé après prescription écrite du médecin [3].
-  Chez l'adulte, il n'existe pas d'argument justifiant l'administration d'une corticothérapie pour prévenir l'œdème laryngé [a,1].
-  En cas d'échec de l'épreuve de VS, les facteurs suivants doivent être recherchés : obstruction de la sonde d'intubation, encombrement de l'arbre trachéo-bronchique, insuffisance ventriculaire gauche, ischémie myocardique, neuromyopathies de réanimation, sepsis, anémie, dysfonction diaphragmatique, bronchospasme, désordres métaboliques et nutritionnels [3].
-  La Ventilation Assistée Contrôlée Intermittente ne doit pas être utilisée au cours de la procédure de sevrage [a,1].
-  Deux modalités d'assistance ventilatoire sont possibles : d'une part, l'AI dégressive et optimisée (sensibilité du déclenchement inspiratoire, réglage de la pente du débit inspiratoire, cyclage inspiration/expiration) ; et d'autre part, la ventilation volumétrique assistée contrôlée encadrant des périodes répétées de VS aboutissant à l'extubation lorsqu'elles sont bien tolérées pendant 30 à 120 minutes [b,2].
-  Lors de la procédure de sevrage l'épreuve de VS doit être impérativement réalisée quotidiennement [a,1].


4. Quelles sont les particularités du sevrage de la ventilation mécanique selon le terrain ?

-  Quel que soit le terrain, le déroulement de la procédure de sevrage est identique et doit débuter le plus tôt possible [c,2].
-  En cas de BPCO les critères de tolérance de l'épreuve de VS ne sont pas différents, à l'exception du seuil de SaO2 (&Mac178; 88 %) [c,3].
-  Chez ces malades, le risque plus élevé de sevrage difficile conduit à recommander une épreuve de VS d'une durée de 120 min [c,3].
-  En cas d'échec de l'épreuve de VS, la VM est reprise en utilisant l'AI avec PEP et en administrant des broncho-dilatateurs en cas de bronchospasme [b,2].
-  L'optimisation des modalités de ventilation vise à supprimer les efforts inspiratoires inefficaces [b,2].
-  En cas de BPCO, la VNI peut être proposée en cas d'échec de l'extubation [b,2]. Cette approche nécessite un personnel suffisant et entraîné au sein d'un centre expérimenté [3].
-  La VNI après une extubation délibérée réalisée malgré l'échec de l'épreuve de VS ne peut être actuellement recommandée [3].
-  Les patients atteints de BPCO en situation de sevrage difficile peuvent être pris en charge dans des unités spécialisées hors réanimation [c,2].
-  En cas de sevrage difficile chez un malade suspect de cardiopathie, l'état cardiaque doit être évalué et le traitement adapté [3].
-  L'utilisation de diurétiques et de vasodilatateurs est préférable à celle des inotropes [c,3].
-  Dans les pathologies cérébrales, le sevrage ne se conçoit qu'en l'absence d'hypertension intracrânienne [2]. Les chances de succès augmentent avec le score de Glasgow [b].
-  L'évaluation du risque d'échec lié à l'encombrement (toux inefficace, troubles de la déglutition) est capitale [2]. Ce risque suggère un recours plus fréquent à la trachéotomie [b,2].
-  Dans les maladies neuromusculaires en voie d'amélioration et plus particulièrement au cours de la polyradiculonévrite aiguë les mesures répétées de la capacité vitale (> 8-10 ml/kg), de la PImax (< -20 cm H2O) et de la PImax (> 40 cm H2O) peuvent aider au sevrage [c,3].
-  Chez ces patients, l'épreuve de VS sera prolongée au delà de 120 minutes. Une durée d'au moins 12 heures peut être proposée [b,3].
-  Durant l'épreuve de VS chez les malades neuromusculaires, l'hypercapnie (> 45 mm Hg) est un signe de gravité majeure. Toute baisse de la saturation artérielle en oxygène, témoigne d'une hypoventilation grave [2].
-  Le sevrage difficile et le pronostic à moyen et long terme de la maladie posent la question du recours à la VNI ou à la trachéotomie, qui seront discutées au cas par cas [3].
-  La procédure de sevrage des patients chirurgicaux intègre la prise en charge de la douleur [b,2].
-  La procédure de sevrage chez l'enfant n'est pas différente de celle utilisée chez l'adulte [c,2]. Les différents indices prédictifs de la difficulté du sevrage ne sont pas plus discriminants chez l'enfant que chez l'adulte [b].
-  Les complications laryngées sont plus fréquentes chez l'enfant et pourraient être prévenues par l'administration de corticoïdes 6 à 12 heures avant l'extubation [b].


5. Quelles sont les possibilités en cas d'échec du sevrage de la ventilation mécanique ?

-  L'échec du sevrage de la ventilation est défini par la persistance d'une dépendance ventilatoire partielle ou totale malgré une procédure de sevrage conduite de manière répétée depuis 30 jours [3].
-  En cas d'échec du sevrage de la ventilation endotrachéale, la VNI et la trachéotomie peuvent être proposées [b,2].
-  La VNI est contre-indiquée en cas de troubles majeurs de la conscience ou de troubles de la déglutition [b,2].
-  La trachéotomie diminue le travail respiratoire [b], facilite la toilette bronchique et améliore le confort du patient. Aucun critère ne définit le moment optimal de sa réalisation [3].
-  Hors réanimation, la prise en charge associe la poursuite de la procédure de sevrage et la réhabilitation [b,2].
-  Elle s'effectue dans des unités de soins intermédiaires respiratoires ou des structures de soins de suite spécialisées [2].
-  Le retour à domicile n'est envisageable qu'avec l'aide de professionnels entraînés, impose une infrastructure spécifique et fait peser des contraintes importantes sur la famille [b2].
-  Il convient de se poser la question de la poursuite des soins au cours des situations suivantes : lorsque le recours à la VNI ou à la trachéotomie apparaît comme une obstination déraisonnable et lorsque la procédure de sevrage et/ou la poursuite des soins sont refusées par le patient sans toutefois négliger l'avis de la famille [3].


Le score d'évaluation des références était le suivant :
-  études prospectives, contrôlées et randomisées ;
-  études non randomisées, comparaisons simultanées ou historiques de cohortes ;
-  mises au point, revues générales, éditoriaux et études substantielles de cas en série publiés dans des revues avec comité de lecture et révisés par des experts extérieurs ;
-  publications d'opinions telles que monographies ou publications d'organisations officielles dans des journaux ou des livres sans comité de lecture et sans révision par des experts extérieurs.

Le score pour les recommandations se composait de trois niveaux :
-  niveau 1 : recommandation justifiée en elle-même par des preuves scientifiques indiscutables ;
-  niveau 2 : recommandation justifiée par des preuves scientifiques et le soutien consensuel des experts ;
-  niveau 3 : recommandation ne reposant pas sur des preuves scientifiques adéquates mais soutenue par les données disponibles et l'opinion des experts.


Société de Réanimation de Langue Française

Jury du Consensus Président : C. Richard (Le Kremlin-Bicêtre) L. Beydon (Angers) O. Lesieur (La Rochelle) S. Cantagrel (Tours) J. Levraut (Nice) A. Cuvelier (Rouen) E. Maury (Paris) B. Fauroux (Paris) C. Polet (Rouen) B. Garo (Brest) N. Roche (Paris) L. Holzapfel (Bourg-en-Bresse) J. Roeseler (Bruxelles)

Conseillers scientifiques C. Chopin (Lille) T. Similowski (Paris)

Recherche bibliographique O. Martin (Lyon)

Organisateur local D. Robert (Lyon)

Commission des Référentiels Coordonnateur : P. Charbonneau (Caen) J.-L. Diehl (Paris) F. Joye (Carcassonne) B. Garrigues (Aix-en-Provence) D. Robert (Lyon) B. Guidet (Paris) R. Robert (Poitiers) O. Jonquet (Montpellier) U. Simeoni (Strasbourg) P. Jouvet (Paris) B. Vallet (Lille)

Cette conférence est organisée avec l'aide des laboratoires : Aventis, Bayer-Pharma, Bristol-Myers Squibb, Chiesi SA, Fresenius France Pharma, GSK, LFB, Pfizer, Roche, Tyco Health Care et Wyeth Lederlé. La Société de Réanimation de Langue Française remercie vivement la Société Générale pour son aide généreuse.