TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE

DES INFECTIONS URINAIRES

 
RECOMMANDATIONS DU COMITE DES ANTIBIOTIQUES (2000)

(Présidente : Dr M-C Jaffar-Bandjee)

En fonction de l’écologie bactérienne et des antibiotiques disponibles au CHD

 

Groupe de travail du mardi 29 juin 2000

 

Dr A. Atchia

Dr B. Bourgeon

Mr E. Brochot

Dr Y. Brochot

Mme F. Chan-ou-teung

Dr X. Debusche

Dr T. Henni

Dr M-C. Jaffar-Bandjee

Dr M. Masanovic

 

 

RAPPELS

 

Les infections urinaires (U.I ), très fréquentes, sont aussi l’infection nosocomiale la plus fréquente surtout chez le sujet porteur de sonde.

Le diagnostic d’infection urinaire est affirmé sur des critères cytobactériologiques :

·        Infection monomicrobienne

·        Leucocyturie > 104 / ml ( 10 / mm3 )

·        Bactériurie > 105 / ml.

 

+++ Il est indispensable d’adapter l’antibiothérapie dès la réception de l’antibiogramme.

On ne doit pas hésiter par exemple à passer au ClamoxylR s’il s’agit d’un E. coli sensible, alors que le traitement avait été initié par le ClaforanR. Il est inutile de prolonger la pression de sélection du CLAFORANR qui possède un spectre d’activité trop large pour un E. coli sensible !

 

 

INFECTION URINAIRE BASSE

 

 

1.      Non compliquée, chez la femme jeune, en l’absence d’ATCD uronéphrologiques, de pathologie sous-jacente, évoluant depuis moins de 3 jours :

 

Traitement minute :

-         OflocetR : 400 mg ( 2 cp )

-         PéflacineR : 800 mg ( 2 cp )

 

2.      Compliquée :

 

Ø      Femme > 65 ans, Antécédents d’infection urinaire récente, diabète, immunodépression, homme, anomalie urologique :

 

-         NoroxineR : cp 400 mg x 2

-         OflocetR : cp 200 mg x 2 (PeflacineR cp 400 mg x 2 si insuffisance rénale)

-         AugmentinR : cp 1g x 3

-         Bactrim forteR : 1 cp x 2

 

Ø      Durée : 7-10 jours

 

 

3.      Infections urinaires à répétition :

 

Ø      Il faut distinguer :

 

·        l’I.U. récidivante définie par des réinfections successives dues à des bactéries différentes (espèce ou antibiotype différent).

 

·        l’I.U. chronique caractérisée par la présence dans l’urine de la même bactérie depuis 3 mois au moins.

 

Ø      Mesures d’hygiène :

 

·        boissons abondantes pour assurer diurèse importante

·        mictions régulières et complètes

 

Ø      Si persistance, c’est l’indication d’examens morphologiques complémentaires, à discuter avec le spécialiste.

 

 

PYELONEPHRITE AIGUE

 

Ø      Vu :

-         La population à risque qui arrive à l’hôpital (1/3 diabétique)

-         La fréquence des signes de gravité : choc, hypotension, défense abdomino-lombaire

-         Un tableau clinique ayant traîné plusieurs jours

-         La présence de signes biologiques telles que CRP élevée, polynucléose

 

Ø      Une bithérapie doit être instaurée:

 

1)      C3G : ClaforanR 1g x 3 IV ou RocéphineR 2g IV-IM 

ou OflocetR cp 200 mg x 2

+ GentallineR 3 mg.kg en 1 inj. pendant 2-3 jours

 

+++ En effet, en raison de l’excellente biodisponibilité des fluoroquinolones, il est inutile de recourir à la voie parentérale sauf si le patient présente des troubles digestifs et/ou de la conscience.

 

2)      En cas d’insuffisance rénale :

C3G : Claforan R 1g x 3 IV ou Rocéphine R  2g IV-IM 

+ Péflacine R cp 400 mg x 2

 

Au vu de l’antibiogramme, on adaptera l’antibiothérapie en fonction du germe .

Le céfixime (Oroken R cp 200 mg x 2) peut prendre le relai per os à la C3G parentérale.

 

Ø       Durée du traitement :

 

-         3 semaines pour les formes simples : absence d’anomalies urologiques, absence de lésion parenchymateuse, absence d’antécédents urologiques )

-         6 semaines pour les formes compliquées, pyonéphrose.

 

Ø      Contrôle : ECBU après 2-3 jours, 1 semaine de traitement et 1 semaine après l’arrêt du traitement.

 

 

PROSTATITE

 

1.      Prostatite aigüe et orchi-épididimyte

 

Ø      Forme sévère :

 

-  Oflocet R cp 200mg x 2 ( ou Peflacine cp 400 mg x 2 si insuffisance rénale )

OuBactrim forte R 1 cp x 3

Ou C3G : Claforan R 1g x3 ou Rocéphine R IV-IM 2g

+Gentalline R 3 mg/kg en 1 inj. pdt 3 jours

           

Ø      Forme moins sévère chez l’homme jeune : traitement per os

 

Ø      Durée : 3-4 semaines

 

Ø      Contrôle : sur le 1er jet urinaire 3 jours et une semaine après le début du traitement, et une semaine après l’arrêt du traitement.

 

2.      Prostatite chronique :

 

Ø      Vu les germes responsables (E. coli, Chlamydia, Mycoplasme ), le traitement de première intention est représenté par les fluoroquinolones :

 

- Oflocet R cp200mg x 2 ( ou Péflacine R cp 400 mg x 2 si insuffisance rénale )

- Bactrim forte R 1 cp x 3

 

Ø      Durée : 3 mois

 

 

INFECTIONS URINAIRES CHEZ LA FEMME ENCEINTE

 

1.      Bactériurie asymptomatique :

 

Ø      Dépistage systématique à chaque consultation :

 

·        Bandelette urinaire : réaliser ECBU si leucocytes et/ou nitrites +

·        ECBU d’emblée si        

- ATCD d’infection urinaire

-         uropathie

-         diabète

 

Ø      Traitement :

 

·        adapté au germe

·        durée : 7-10 jours

·        antibiotiques utilisables chez la femme enceinte : Clamoxyl, céphalosporine orale : Oroken, Nibiol.

 

2.      Bactériurie symptomatique :

 

Ø      Cystite : Traitement : idem ci-dessus

 

Ø      Pyélonéphrite : C3G : Claforan R 1g x3 ou Rocéphine R IV-IM 2g pendant 15 jours.

 

 

INFECTIONS URINAIRES NOSOCOMIALES

 

 

1.       Règles pour la prévention des infections urinaires chez un sondé :

 

1)      Limiter l’indication de sondage ( préférer collecteur pénien chez l’homme )

2)      Pas de sondage de « confort » : enlever toute sonde inutile

3)      Respect des règles d’hygiène pour la manipulation et l’entretien (système clos, ne pas tolérer les poches à urines sur le sol…)

4)      Pose aseptique de la sonde

5)       Boissons abondantes

6)      Changer la sonde à la moindre anomalie : rougeur, fuite.

 

2.      Bactériurie asymptomatique :

 

1)      Chez un patient sondé, ne pas traiter ni faire d’ECBU systématique

 

2)      Chez un patient auquel on vient de retirer la sonde, ne réaliser l’ECBU que 48 à 72 heures plus tard. Traiter sur les résultats bactériologiques.

 

3.       Infection urinaire symptomatique :

 

L’infection urinaire nosocomiale est considérée comme une infection compliquée, même s’il n’y a aucune anomalie urologique, ceci du fait du geste endoscopique ou chirurgical à l’origine de l’infection et de la nature bactérienne.

 

Ø       Traitement adapté en fonction du germe :

 

·        Monothérapie si germe simple : E. coli, entérocoque, Klebsielle

 

·        Bithérapie ( au moins dans la phase initiale ) : pyocyanique, Serratia, Enterobacter, S. aureus, Acinetobacter…)

 

Ø      Durée : 10 jours chez la femme, 20 jours chez l’homme

 

 

INFECTIONS URINAIRES FONGIQUES

 

1.      Sujet porteur de sonde :

 

Ø      Ablation de la sonde, diurèse abondante et contrôler l’ECBU 48 h après .

 

Ø      Si pas d’ablation de la sonde possible, procéder à des lavages vésicaux :

 

 

Remplir la vessie avec 300 ml de BETADINE diluée, en maintenant le flacon de BETADINE à moins de 40 cm de hauteur par rapport au malade, Vidanger, Rincer

 

Répéter cette séquence 3 fois +++

 

Répéter le lavage 2 à 3 fois par jour, pendant 1 à 3 jours en fonction de l’aspect macroscopique des urines.

 

Refaire un ECBU 48 h après l’ablation de la sonde ou 48 h après le début des lavages (préciser sur la feuille de demande).

 

N.B. : En présence de caillotage vésical, le lavage sera en réalisé en continu (goutte à goutte ), avec 5 litres de BETADINE diluée ou de sérum physiologique.

 

 

2.      ECBU : Infection urinaire à levures ( > 10 5/ml, leucocyturie )

 

Ø      On ne traitera que si :

 

-         présence de fièvre

-         pyurie franche

-         présence de signes cliniques urinaires

 

Dans les autres cas, boissons abondantes, éliminer une candidose cutanée ou génitale, puis refaire éventuellement un nouvel ECBU.

 

Ø      Traitement :

 

·        C. albicans, ou autre levure sensible au fluconazole:  Triflucan R 100-200 mg/j pendant 15 jours.

 

·        C . krusei ou résistance :

 

Fungizone R IV 1.5 mg/kg/j

+ Ancotil R Per os 100 mg/kg/j rénale pendant au moins 15 jours.

 

Seulement 10-15 % de l’amphotéricine B sont éliminés par voie urinaire.

 

 

VESSIES NEUROLOGIQUES

 

 

Toute vessie neurologique est potentiellement asynergique, rétentionniste et infectée.

 

La présence d’une infection ( surtout récidivante ) est le témoin d’une mauvaise ou incomplète vidange vésicale.

 

Les vessies neurologiques sont des complications secondaires aux paraplégies, tétraplégies, lors des lésions médullaires partielles, mais aussi chez les SEP, Parkinson, AVC… et au cours des neuropathies périphériques comme le diabète ( vessie rétentionniste, risque d’hydronéphrose ++ )

 

Conduite à tenir :

 

1.      Déceler la dysurie et/ou rétention ( Examens à faire rapidement : échographie post-mictionnelle, résidu post-mictionnel par sondage, débitmétrie …)

2.      Si dysurie avec rétention, assurer une bonne vidange vésicale par la mise en train d’un protocole de sondages intermittents ( environ 6 / jour ) pendant la phase aigüe

3.      Etablir une fiche de contrôle et prendre un avis spécialisé.

 

ATTENTION : ne pas dire : sondage = infection, c’est au contraire en augmentant le nombre de sondages, en permettant une bonne vidange vésicale REGULIERE que se résoudra le problème infectieux.

 

Traitement médical :

 

1.      L’antibiothérapie est inutile si la vidange n’est pas assurée et que persiste le syndrome rétentinnel.

2.      Pas d’antibiothérapie systématique sur le seul résultat biologique en l’absence de signes généraux et de signes inflammatoires ( CRP, hyperleucocytose) .

3.      Si pyurie : lavages vésicaux possibles en première intention

4.      Toujours assurer une diurèse importante +/- acidification des urines ( vitamine C ).

 

Prévoir suivi spécialisé et bilan urodynamique ( Echographie vésicale…).

 

 

Références bibliographiques :

 

-Le Popi Guide de traitement. Association des Professeurs de Pathologie Infectieuse et Tropicale, 6ième Edition,

-Guibert J. Antibiothérapie des infections urinaires : éléments décisionnels et modalités. Feuillets de Biologie, 35, 201 : 9-16, 1994.

-Veyssier P. Traitement antibiotique des pyélonéphrites de l’adulte. Rev Prat 43, 9 : 1111 – 1116, 1 993.

- Bergogne-Bérézin E. Fluoroquinolones. Propriétés pharmacocinétiques et nouveaux concepts pharmacodynamiques. Presse Méd, 26 : 577-582, 1 997.

- Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française ( S.P.I.L.F.). Deuxième Conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse. Antibiothérapie des Infections Urinaires, 16 novembre 1990. Mal Infect 21 : 51-54, 1 991.