MELIOIDOSE

ACTUALITES 2001

Professeur Pierre Aubry. 10 juillet 2002

 

Introduction. La mélioïdose était méconnue, hors de son foyer original l’Asie du sud-est, jusqu’à la fin des années 1970. L’épidémie du Jardin des Plantes à Paris en 1975 la fit connaître en France. Décrite en Birmanie en 1912 par Whitmore, la mélioïdose est une maladie émergente en voie de dissémination, due à Burkholderia pseudomallei, ou bacille de Whitmore, à réservoir hydro-tellurique. Le bacille de Whitmore est, en effet, un germe de l’environnement, isolé des sols riches en matières organiques et des eaux chaudes stagnantes situés entre les 20ème parallèles nord et sud.

 

2 . Epidémiologie

 

La mélioïdose est une maladie de l’Asie du sud-est (Thaïlande, Myanmar, Singapour, Malaisie, Laos, Cambodge, Vietnam). L’incidence de la mélioïdose-maladie est de 4,4/100 000 en Thaïlande. A partir de son foyer d’origine, le bacille de Whitmore s’est propagé en Asie (Chine, Sri Lanka), en Australie, en Afrique (Burkina-Faso, Niger, Côte d’Ivoire, Tchad, Gambie), à Madagascar, en Amérique centrale (Mexique, Panama, Equateur), en Amérique du sud (Brésil), aux Caraïbes (Haïti), en Océanie (Papouasie Nouvelle-Guinée, Guam). Des cas ont été signalés dans les pays tempérés d’Europe, du Proche et Moyen-Orient, en Nouvelle Zélande. Le bacille a été isolé à l’Ile de La Réunion, en Guadeloupe, en Martinique.

Le bacille de Whitmore contamine de nombreux mammifères domestiques (chevaux, moutons, porcs) et sauvages. Le transport d’animaux malades entraîne l’introduction du bacille dans des territoires vierges. La contamination de l’homme se fait par voie transcutanée sur la peau préalablement lésée, à partir des eaux, des boues, des sols infestés. La contamination aérienne par inhalation est le deuxième mode de contamination. La contamination digestive est  possible. Des infections nosocomiales et des contaminations de laboratoire ont été rapportées (les laboratoires de recherche doivent être de niveau 3).

La mélioïdose atteint des sujets déjà malades , en particulier les diabétiques et les insuffisants rénaux. Mais toutes les maladies provoquant une immunodépression entraînent une mélioïdose-maladie : hémopathies, collagénoses, infection à VIH/SIDA.  C’est une maladie opportuniste.

 

3.    Clinique. La mélioïdose est « une grande imitatrice ». Trois formes cliniques peuvent être décrites :

 

3.1. La forme septicémique : De début brutal, ou succédant à une atteinte de l’état général  déjà installée, elle réalise un état de choc septique avec défaillance multiviscérale : ictère, insuffisance respiratoire aiguë, oligo-anurie, diarrhée profuse, atteinte neurologique. La mortalité spontanée est de 100%, Elle est de 40% avec le traitement antibiotique actuel. La fréquence des rechutes dépend de la nature du traitement initial.

 

3.2. Les formes viscérales localisées. Elles sont dues à des lésions suppurées, uniques ou multiples, d ‘évolution aiguë, subaiguë ou chronique. Dans un contexte d’atteinte de l’état général avec fièvre, différentes localisations sont rapportées :

 

On voit le grand polymorphisme de la mélioïdose et les difficultés du diagnostic clinique. Il faut opposer les formes mono-viscérales aux formes multi-viscérales des sujets ayant des facteurs de risques.

 

3.3     Les formes latentes. C’est la mélioidose - infection due au portage asymptomatique du bacille de Whitmore. Ce sont des formes dépistées par la sérologie. Il y a un risque d’extériorisations cliniques très éloignées de la contagion, jusqu’à 30 ans. C’est la «bombe à retardement» du Vietnam: 3,5% des soldats américains blessés au Vietnam ont, en effet, une sérologie positive.

 

3.       Diagnostic 

 

Il est bactériologique. L’examen direct montre de petits bacilles Gram négatif, très mobiles, avec une coloration bipolaire ou en navette, la culture (hémocultures, prélèvements des lésions suppurées) est l ‘examen de référence, mais le délai est de 48 heures et l’aspect des colonies n’est pas spécifique, la PCR : elle est très sensible et très spécifique, la détection d’antigènes microbiens circulants par immunofluorescence directe et par ELISA est de bonne sensibilité et de bonne spécificité, mais peu utilisée en routine.

 

La sérologie : l’intérêt est la détection d’anticorps spécifiques de type IgM par IFI ou ELISA dans la mélioïdose-maladie.

 

L’anatomopathologie : l’examen anatomo-pathologique montre des  lésions granulomateuses à couronne épithélioïde et giganto-cellulaire cernée de fibrose, à centre nécrotique, d’allure volontiers caséeuse, lésions aspécifiques  (diagnostic différentiel avec la tuberculose).

 

5.Traitement. La rapidité de la mise en traitement est essentielle pour la survie. Il faut donc commencer le traitement avant le résultat des cultures. Avec le traitement antibiotique «  moderne », la mortalité est encore de 40% dans les formes septicémiques, de 20% dans les formes localisées, avec un risque de rechutes dans 30% des cas. Le traitement antibiotique est associé à la demande à des ponctions ou drainages des lésions abcédées.

Le traitement d’attaque de référence est la céftazidine (FORTUMÒ) : 120 mg/kg/j, en trois injections intra-veineuses pendant au minimum 15 jours, en pratique suivant l’évolution clinique.

Le traitement d’entretien est l’AUGMENTINÒ (acide clavulanique15mg/kg/j + amoxicilline 60 mg/kg/j) en quatre prises pendant classiquement 20 semaines.

Le traitement «ancien» est représenté par l’association chloramphénicol + doxycycline + cotrimoxazole. Il est toujours utilisé en traitement d’attaque et d’entretien, avec une mortalité élevée.

 

«Grande imitatrice », « ennemi invincible » « bombe à retardement » :  la mélioïdose est une maladie caractérisée par son polymorphisme clinique, ses difficultés de diagnostic et de traitement,  ses rechutes fréquentes et tardives

 

 

Références 

 

Perret J.L. La mélioïdose : une bombe à retardement tropicale »en voie de dissémination. Med. Top., 1997, 57, 195-201.


Hovette P., Aubron C. Melioïdose.
Encycl. Med. Chir., Maladies infectieuses, 8-036-C-10, 2001, 8 p.

 

Iconographie 

 

Répartition géographique de la mélioïdose.