B-A GAÜZERE – avril 2002
1. EPIDEMIOLOGIE
- France : 1800 décès/an
- 3ème rang de mortalité chez l'adulte.
- 50 % des noyades de l'adolescent et de l'adulte surviennent en situation d'imprégnation alcoolique.
- attention aux lésions associées (crâne, rachis) : l'eau n'est parfois que le terme ultime du parcours accidentel (rebord de piscine, rochers, voitures,...)
2. PHYSIOPATHOLOGIE
2.1 Pourquoi se noit-on ?
- incapacité à maintenir la tête hors de l'eau : le sujet ne sait pas nager ou est prisonnier de son véhicule immergé.
- incapacité à réagir au stimulis "contact de l'eau avec voies aériennes supérieures" : convulsions, AVC, traumatisme crânien préexistant, imprégnation alcoolique ou médicamenteuse.
- épuisement musculaire : associé ou non à une hypothermie ou à une hypoglycémie.
- syncope (hydrocution) : - secondaire à un traumatisme oculaire, génital, épigastrique.
- ou syncope thermodifférentielle (bronzage et ou repas copieux puis bain en eau froide)
- nage en apnée : l'hyperventilation préalable supprime la perception au niveau du bulbe, du besoin de respirer (hypocapnie), la reprise des mouvements respiratoires se faisant après la syncope hypoxique.
- accident de plongée, accidents avec des animaux venimeux : poisson électrique, poisson pierre, coraux, raies, requins, méduses.
2.2 Syndrome asphyxique
- réaction à l'immersion : les premières gouttes de liquide aspiré dans l'arbre trachéal spasme laryngé de 1 à 2 minutes. Sous l'effet de l'hypoxémie, se produisent des mouvements de déglutition remplissant l'estomac de liquide de submersion. Le laryngospasme se lève secondairement et le liquide envahit alors l'arbre respiratoire. Exceptionnellement, le laryngospasme persiste aboutissant à la noyade à poumons secs.
- réflexe de plongée : Les mammifères plongeurs ont un réflexe à l'immersion de la face dans l'eau froide qui entraîne : apnée, bradycardie, vasoconstriction périphérique et détournement de la circulation vers les coronaires et le cerveau (phoque, baleine). Ce réflexe protecteur est évoqué pour expliquer des survies miraculeuses" après immersion prolongée (40 mn) en eau froide chez l'enfant (Scandinavie)
- oedème pulmonaire :
. l'innondation alvéolaire oedème lesionnel essentiellement, avec éventuelle participation hémodynamique fugace au cours des noyades en eau douce.
. l'hypoxémie entraîne un syndrome de détresse respiratoire aiguë avec opacités pulmonaires diffuses à la radiographie.
. l'eau de mer est hypertonique (3 fois 6 plasma). Elle induit des lésion de la membrane alvéolo-capillaire avec mouvements de l'eau et des proteines du secteur vasculaire vers le secteur interstitiel extra-vasculaire et les alvéoles.
. l'eau douce inactive le surfactant pulmonaire et provoque ainsi un collapsus des alvéoles à l'origine de micro-atélectasies puis d'atélectasies et donc d'un effet shunt majeur (hypoxémie).
. chlore de piscine : idem. De plus, le chlore est directement irritant pour le surfactant qu'il détruit.
. les particules en suspension dans l'eau (eau croupie, algues, huiles) obstruent les bronchioles, provoquant ainsi des atélectasies qui se surinfectent.
. enfin, il peut exister une inhalation de vomitus au cours des manoeuvres habituelles de réanimation (massages cardiaques) ou chez tout malade comateux qui ne serait pas porteur d'une sonde gastrique ou qui ne serait pas mis en position latérale de sécurité.
2.3 Conséquences de la noyade
2.3.1 Anoxie Generalisee donc cérébrale qui conditionne le pronostic
Anoxie oedème cérébral aggravation secondaire des lésions neurologiques coma.
2.3.1 Troubles hydroélectrolytiques : conséquence des mouvements d'eau et d'électrolytes à travers la membrane avéolo-capillaire lésée.
- acidose métabolique
- kaliémie abaissée le plus souvent (hémodilution, hypothermie)
- hyperkaliémie (par hémolyse) en eau douce
- hypernatrémie : inhalation d'eau salée
2.3.3 Troubles du rythme cardiaque liés : hyperkaliémie, hypokaliémie, hypoxémie, ou à un infarctus du myocarde dû à la décharge massive de catécholamines lors de la phase des mouvements désordonnés.
2.3.4 Hypothermie : due à la perte de chaleur par convection, proportionnelle à la durée de l'immersion et à la température de l'eau. L'hypothermie a un effet protecteur cérébral contre l'anoxie.
2.3.5 Anomalie de la coagulation
Coagulopathie intravasculaire disséminée, hémolyse responsables d'une anémie et donc d'une aggravation de l'hypoxémie.
3. CONDUITE D'URGENCE : les pronostics vital et fonctionnel se jouent dès la prise en charge initiale du noyé.
3.1 Dans l'eau - libération des voies aériennes au doigt (mucosités, algues...)
- bouche à bouche en nageant.
3.2 Hors de l'eau :
- attention aux mobilisations intempestives (maintenir dans le même axe, tête-cou-tronc, en raison de la possibilité de fracture du rachis cervical associée).
- bouche à bouche
- le massage cardiaque externe est alors possible (plan dur)
- tenter la manoeuvre de HEIMLICH en cas d'absence de réponse à la ventilation artificielle, ce qui laisse présumer de l'existence d'un corps étranger respiratoire.
4. BILAN : 4 groupes de noyés
- groupes I : AQUASTRESS : la victime n'a pas inhalé d'eau
. la rassurer, la réchauffer et contrôler la glycémie
. préconiser 24 H d'observation à l'hôpital
- groupes 2 : petit hypoxique : l'eau à pénétré dans les poumons mais les secours ont été rapides. Le sujet présente une toux, une tachypnée, un pouls rapide, quelques râles bronchiques mais sa conscience est normale.
Traitement :
- vidange gastrique
- oxygénothérapie au masque
- hospitalisation de 48 heures en soins intensifs car risque d'aggravation secondaire
de l'état respiratoire en raison de la survenue secondaire d'un oedème cérébral.
- groupe 3 : grand hypoxique
- perte de conscience, obnubilation, coma
- détresse respiratoire ventilation assistée (intubation), sous anesthésie générale et réanimation respiratoire majeure.
- groupe 4 : anoxique : arrêt circulatoire d'origine hypoxique.
- défibrillation
- diurétiques d'action rapide : LASILIX,
- réanimation majeure sous anesthésie générale..;
* tous les noyés doivent être impérativement hospitalisés ( I IV).
5. PRONOSTIC
- éléments de pronostic : - âge
- température hypothermie acharnement thérapeutique
car possibilité de récupération.
- notions d'antécédents pathologiques
- classification du noyé en quatre stades
* favorables : - brève durée de la réanimation cardio respiratoire
- niveau de conscience : bon pronostic neurologique si le
noyé est conscient lors de la prise en charge.
- Deux indicateurs numériques chez l'enfant.
- score de Glasgow > ou = à 6 possibilité de
récupération complète
- Indice de Galowski : un point pour chaque situation
suivante :
. âge < 3 ans
.coma initial
. submersion > 5 minutes
. manoeuvres de réanimation débutées plus de 10
minutes après submersion
. PH artériel < 7.10
. tout score > 3 implique un pronostic péjoratif
5. CONCLUSION
- Education des parents : jeunes enfants dans l'eau sous surveillance stricte, surveillance du tout-petit dans la salle de bain)
- Education des enfants : natation (noyade en piscine privée et noyade en rivière-mer)
- Attention accrue pour les patients sous anti-épileptiques ou psychotropes
- Lutte contre l'alcoolisme (adultes, adolescent)
- Apprentissage large des mesures de secourisme
- Généralisation des défibrilateurs semi-automatiques aux abords des piscines et des plages ?