Paludisme

 Actualités 2005

Professeur Pierre Aubry. Mise à jour le 17/10/2005

 

1. Généralités

1.1. « Un des rares fléaux de Santé Publique qui ait traversé les siècles sans jamais perdre de son activité »

Le paludisme touche plus de 90 pays, 2 milliards 400 millions de personnes (40% de la population mondiale), 300 à 500 millions d’accès/an, 1 500 000 à 2 000 000 décès par an, en particulier chez les enfants de moins de 5 ans. Quatre vingt dix % des cas intéressent les pays de l’Afrique subsaharienne (incidence en Afrique : 500 à 900/1000 ; en Asie : 5 à 6/1000). Le poids du paludisme n’a pratiquement pas changé dans les zones où sa transmission était la plus élevée, notamment en Afrique.

En 1999, initiative associant OMS, UNICEF, PNUD et Banque Mondiale pour «Faire reculer le paludisme, Roll back malaria» : la prévention de la morbidité et de la mortalité sont les nouveaux objectifs de stratégies de lutte.

En 2000, à la conférence d’Ahuja, le paludisme est avec l’infection à VIH/SIDA et la tuberculose une des 3 grandes priorités sanitaires mondiales. Le but est de réduire de moitié le poids du paludisme en terme de morbi-mortalité, d’impact économique et social entre 2001 et 2010.

Nos connaissances sur le paludisme doivent être simples mais leur application doit être rigoureuse. Il n’existe pas de signe pathognomonique du paludisme. Il n’existe pas de manifestations cliniques du paludisme sans parasitémie.

1.2. Trois acteurs : le protozoaire, l’anophèle, l’homme.

1.2.1. Le plasmodium : 4 espèces de plasmodium (sporozoaires)

·       P. falciparum : responsable de la fièvre tierce maligne, la seule espèce qui tue, très fréquente (90 % des cas de paludisme à Madagascar et aux Comores), tropicale, résistante à la chloroquine, mais vite éteint si le malade survit.

·       P. vivax : fièvre tierce bénigne

·       P. ovale 

·       P. malariae : fièvre quarte bénigne

1.2.2. Le moustique (hôte définitif ). L’anophèle femelle, vecteur exclusif d’une maladie strictement interhumaine.

1.2.3. L’homme (hôte intermédiaire). Seul hôte réservoir, cycle schizogonique  ou asexué: formes sexuées qui assurent la transmission et la survie de l’espèce, acquisition d’une défense de type prémunition au prix d’une mortalité infantile très élevée pour P. falciparum.

 

2. Epidémiologie

2.1. Le cycle évolutif du Plasmodium comprend quatre phases :

- le développement parasitaire chez l’homme depuis la migration des sporozoïtes vers le foie jusqu'au gamétocytes en passant par le cycle érythrocytaire schizogonique ou asexué,

- la transmission « homme-moustique » avec l’ingestion des gamétocytes,

- le développement sporogonique chez le moustique, depuis les gamétocytes dans l’estomac jusqu’aux sporozoïtes dans les glandes salivaires,

- la transmission « moustique-homme » avec l’injection par le moustique des sporozoïtes.

note : les hypnozoïtes sont des formes dormantes hépatocytaires de P. vivax et de P. ovale responsables de la durée de l’infection. Quant à P. malariae, il peut persister asymptomatiquement à un seuil infra-microscopique pendant 20 à 30 ans.

2.2. Le vecteur : l’anophèle femelle

2.2.1. Ecologie vectorielle

·       nécessité de repas sanguins pour la maturation des œufs

·       espérance de vie : 3 à 12 semaines

·       reste près de son lieu de naissance (< 300 m)

·       pique la nuit entre le coucher et le lever du soleil

·       vit dans ou hors des maisons (endophile / exophile)

·       préfère l’homme ou les animaux (anthropophile / zoophile)

·       abonde dans certains gîtes et pas dans d’autres

Exemple des Iles de l’Océan Indien

Une vingtaine d’espèces anophèliennes impliquées, dont :

·       An. gambiae : gîtes temporaires, côtes de Madagascar, Comores (citernes)

·       An. funestus : collections d’eaux permanentes, Madagascar (rizières)

·   An. mascarensis : sud est de Madagascar (Région de Fort-Dauphin), Ile Sainte Marie

·       An. arabiensis : Madagascar, Ile Maurice (P. vivax ), Ile de la Réunion. An. arabiensis est la seule espèce pouvant être responsable de l’émergence de cas autochtones à l’Ile de La Réunion, bien que sa faible longévité (< 14 jours) et son comportement exophile et zoophile favorisent le maintien de l’état d’éradication. Il faut 4 à 5 semaines pour qu’un anophèle infesté devienne infestant.

2.2.2.Transmission

Conditions de température (> 19°C pour P. falciparum et > 16° pour P. vivax), d’altitude (<1.500 m en Afrique) et de précipitations. D’où la notion de stabilité du paludisme :

· paludisme instable : transmission brève, vie de l’anophèle brève, peu de prémunition, forte mortalité à tout âge,

· paludisme stable : transmission prolongée, circulation anophèlienne pérenne, anophèle anthropophile et à espérance de vie longue, prémunition rapide, mais mortalité infantile importante, existe dans toute l’Afrique intertropicale sauf : centre des grandes villes, altitude supérieure à 1 500 m et zone de transmission faible (Sahel).

Cinq faciès épidémiologiques sont décrits à Madagascar en lien direct avec les différents types    climatiques : paludisme stable à forte transmission toute l’année sur la côte est, stable mais avec forte transmission en saison des pluies (novembre à mars) sur la côte ouest et le nord, paludisme instable à transmission liée aux précipitations dans le sud (faciès sahélien), instable et saisonnier (novembre à avril) sur les Hautes Terres Centrales jusqu'à 1500 mètres d’altitude.

2.3.  Répartition géographique (source OMS 2001)

La transmission du paludisme est élevée dans toute la zone intertropicale entre le 30° de latitude nord et le 30° de latitude sud :

- en Afrique intertropicale, dans tous les pays, sauf le Lesotho,

- dans l’Océan Indien, dans toutes les îles (Madagascar, Comores, Zanzibar), sauf l’Ile de La Réunion et les Seychelles,

- en Amérique centrale et en Amérique du sud, en particulier en Amazonie (Brésil, Colombie, Pérou), sauf au Chili, en Uruguay et au sud de l’Argentine,

- en Asie : dans tous les pays de l’Asie du sud-est, sauf à Brunei et à Singapour ; dans la plupart des pays d’Asie centre-sud, en particulier Inde, Sri Lanka, Pakistan, Afghanistan, Bangladesh,

- au Proche et au Moyen Orient : dans les pays de la zone, sauf à Bar hein, et Qatar,

- dans les Caraïbes : en Haïti et en République Dominicaine

- en Océanie : aux Iles Salomon, au Vanuatu, en Papouasie Nouvelle Guinée.

Les Départements et Territoires français d’Outre Mer sont des pays sans transmission de paludisme (Martinique, Guadeloupe, Ile de la Réunion, Nouvelle Calédonie, Polynésie), sauf la Guyane et Mayotte. L’incidence à Mayotte est estimée à 3 000 cas/an.

Note : Le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (CSHPF) signale chaque année les changements de groupe des pays d’endémie. Ainsi en 2005, 15 pays sont passés du groupe 2 au groupe 3, dont en Afrique : Sénégal, Sierra-Léone, Libéria, Namibie, les 2 Guinée, la Côte d’Ivoire (BEH n°24-25/2005).

2.4. Immunité : notion de prémunition

C’est un état d’immunité relative ou prémunition : équilibre hôte-parasite après plusieurs années d’exposition si la transmission est constante, acquis progressivement en 5 ans et plus (au prix d’une mortalité infantile élevée), labile, qui disparaît en 12 à 24 mois chez le sujet immun qui quitte la zone d’endémie, chez la femme enceinte au 2ème et 3ème trimestre de la grossesse et chez le splénectomisé,

Il faut insister sur la grande variabilité des réponses à l’infection palustre entre des individus vivant dans les mêmes zones d’endémie. La résistance au paludisme est innée ou acquise de façon non spécifique :

2.4.1.facteurs génétiques humains conférant une résistance

- facteurs de résistance érythrocytaires : modifications de la chaîne ß de l’hémoglobine (HbS, HbC, HbE), modifications des taux de synthèse des chaînes de globine (thalassémies), modifications d’un enzyme érythrocytaire essentielle (G6PD), modifications des caractères de la membrane et du cytosquelette des érythrocytes (groupe sanguin Duffy, ovalocytose héréditaire)

- facteurs de résistance non érythrocytaires : certains groupes HLA.

2.4.2. statut nutritionnel : relation entre la MPE ou les déficits en fer et la sensibilité au paludisme grave controversée.

Le témoin de la prémunition : la splénomégalie, dont la présence et le degré chez les enfants de moins de 10 ans constituent des marqueurs du niveau d’endémie palustre (indice splénique).

2.5. Chimiorésistance

2.5.1. Du vecteur : résistance aux insecticides (en particulier aux pyréthrinoïdes  d’A. gambiae en Afrique subsaharienne)

2.5.2. Du plasmodium : notion de résistance des plasmodium

Elle intéresse essentiellement P. falciparum, mais quelques souches de P. vivax sont chloroquino-résistantes en Papouasie Nouvelle Guinée, en Asie du sud-est, en Amazonie.

2.5.2.1. D’abord à la chloroquine

La chloroquino-résistance est caractérisée par la persistance de parasites asexués dans les hématies du patient 7 jours après le début d’un traitement bien conduit par la chloroquine (25mg/kg pendant 3 jours).

L’évaluation de la résistance en fonctions de la parasitémie permet de définir trois seuils de résistance:

·       résistance de stade RI : disparition des parasites au 7ème jour, suivie d’une réapparition,

·       résistance de stade RII : diminution de la parasitémie,

·       résistance de stade RIII : aucune diminution de la parasitémie.

Les résistances de stade RI, RII, RIII permettent de séparer les pays infectés en 3 groupes 1, 2, 3, appelés par l’OMS : zones A, B, C. Les pays du groupe 0 sont des pays sans paludisme..

 

Tableau I. Groupes 1, 2, 3 pour les pays de l’Océan Indien :

 

Groupe 1

Ile Maurice  (P. vivax seulement avec faible risque)

Groupe 2

Madagascar (RI et RII, absence de RIII)

Groupe 3

Comores (y compris Mayotte), Mozambique (RIII)

 

1e note : Iles Seychelles : pas de risque palustre, Ile de La Réunion : pas de risque palustre, mais surveillance active

2e note : pendant l’épidémie de 1986-1988, près de 1% de la population des Hautes Terres Centrales de Madagascar est décédée du paludisme (environ 40.000 morts). La reprise de la lutte antivectorielle (DDT) et de la chimioprophylaxie (chloroquine) a permis l’arrêt de l’épidémie. Depuis 1999, la stratégie utilisée est celle des aspersions ciblées aux foyers résiduels détectés par un système de surveillance épidémiologique et d’alerte. Actuellement, une augmentation progressive de la résistance à la chloroquine est notée, ce qui est un réel danger dans une région où la prémunition vis à vis du paludisme est modérée. Cependant, la chloroquine demeure l’antipaludique de première ligne pour le traitement des accès palustres simples à Madagascar. Il n’y avait pas en 1997 de résistance RIII, y compris dans les zones côtières. Actuellement, l’île Sainte Marie devrait être classée dans le groupe 3.

3e note : une polychimiorésistance est actuellement connue en Asie du sud-est (zones forestières de Thaïlande, frontalières du  Laos/ Cambodge/ Myanmar )

2.5.2.2. Autres médicaments 

·       quinine : résistance partielle limitée aux jungles d’Asie du sud-est et d ‘Amazonie,

·       sulfadoxine-pyriméthamine (SP) : utilisé en remplacement de la chloroquine (1969), sélectionne des mutants résistants. Résistance au SP à Mayotte en 2004.

·       méfloquine : résistance en Thaïlande depuis 1989, actuellement observée en Afrique de l’ouest.

·   halofantrine : quelques cas confirmés, dont un cas à Madagascar (1993)

 

3. Etude clinique

3.1.Tableaux communs aux quatre plasmodium

3.1.1. Accès palustres simples

3.1.1.1. Accès de primo-invasion : sujets non immuns. Délai après piqûre infectante variable : classiquement : 11 jours, entre 7 et 14 jours, en fait long chez le sujet sous chimioprophylaxie inadéquate (en règle < un an )

- fièvre > 39°C, frissons, sueurs, céphalées, myalgies, malaise général, anorexie

- tableaux trompeurs : fièvre modérée (syndrome grippal), cytopénie isolée chez des sujets suivant une chimioprophylaxie incorrecte

3.1.1.2. Accès chez les sujets immuns : le portage d’infections plasmodiales asymptomatiques est fréquent dans les zones où la transmission est fréquente et pérenne (parfois, plus de 90% de la population). Il faut penser à une autre maladie infectieuse associée à un paludisme infection avec portage “asymptomatique”.

3.1.1.3. Accès répétés liés à des reviviscences schizogoniques ou accès intermittents. Frissons, chaleur, sueurs, accès se répétant tous les 2 jours : fièvre tierce maligne à  P. falciparum ou bénigne à P. vivax, P. ovale,  (ou) tous les 3 jours : fièvre quarte bénigne : P. malariae. Avec splénomégalie.

 

3.1.2. Paludisme viscéral évolutif (ancienne cachexie palustre)

·       infections palustres répétées

·       enfants de 2 à 5 ans non encore prémunis vivant en zones d’endémie, européens dans des zones où existent des souches chloroquinorésistantes,

·       anémie, cytopénie

·       fièvre modérée et intermittente

·       splénomégalie constante, modérée

·       recherche d’hématozoaires positive par intermittence avec parasitémie faible,

·       sérologie anti-palustre : titre des anticorps très élevés (IgG)

·       réponse au traitement assez rapide.

 

Plasmodium en cause : en principe tous, en pratique P. falciparum.

Différencier PVE et Splénomégalie palustre hyper-immune (SPH) ou malarique hyperactive (ancienne splénomégalie tropicale) :

-          adultes vivant en zones d’endémie

-          splénomégalie volumineuse

-          pas de fièvre

-          recherche d’hématozoaires : négative

-          sérologie anti-palustre : titre très élevé d’anticorps (IgM)

-          réponse au traitement très lente.

 

3.1.3. Fièvre bilieuse hémoglobinurique (FBH) 

Bien connue avant 1950, en rapport avec les prises de quinine dans une zone d’endémie à P. falciparum, la FBH semble resurgir au cours de ces dernières années. Les cas sont toujours observés avec la quinine, mais aussi avec des molécules de structure chimique apparentée (halofantrine). L’importance d’une polymédication associant 2 ou plusieurs antipaludiques est soulignée.

La FBH associe :

- fièvre élevée + hémoglobinurie macroscopique (urines couleur porto) due à une hémolyse

  intravasculaire aiguë

- choc, anémie aiguë, insuffisance rénale aiguë (IRA)

- pronostic sévère : mortalité de l’ordre de 20%, morbidité élevée : 90% des patients présentent une 

  IRA nécessitant dans 1 cas sur 2 une epuratiobn extra-rénale

- diagnostic avec l ‘hémolyse aiguë associée à une forte parasitémie au cours d’un paludisme grave et avec l’hémolyse médicamenteuse (amino-8-quinoleines, sulfamides et sulfones en cas de déficit en G6PD).

La FBH est une contre indication absolue à l’emploi d’amino-alcools

 

PVE et FBH sont des formes sévères du paludisme à P. falciparum, mais restent classés en dehors des accès palustres graves

 

3.1.4. Les néphropathies du paludisme : la néphrite quartane est une néphropathie glomérulaire chronique de l’enfant avec syndrome néphrotique impur due à P. malariae, liée à une glomérulopathie par dépôts de complexes immuns et les néphropathies aiguës glomérulaires et/ou tubulaires du paludisme grave à P. falciparum, le plus souvent chez l’adulte.

 

3.2. Accès palustres graves à P. falciparum

3.2.1. Les critères de paludisme grave ont été actualisés par l’OMS en 2000. Ces critères sont les mêmes chez l’adulte et chez l’enfant.

 

 

 

 

 

Tableau II- Critères de gravité 2000 de l’OMS du paludisme grave :

 

1-       Neuropaludisme (score de Glasgow < 9, score de Blantyre <2 chez l’enfant de moins de< 5ans)

2-       Troubles de la conscience (score de Glasgow <15 et >9)

3-       Convulsions répétées (> 1/ 24 heures)

4-       Prostration

5-       Syndrome de détresse respiratoire

6-       Ictère (clinique)

7-       Acidose métabolique (bicarbonates plasmatiques < 15 mmol/L)

8-       Anémie grave (Hb < 5g/dl ou Ht < 15%)

9-       Hyperparasitémie (> 4% chez le sujet non immun ou > 20% chez le sujet immun)

10-   Hypoglycémie (< 2,2 mmol/L)

11-   Hémoglobinurie macroscopique

12-   Insuffisance rénale : 

- adulte : diurèse < 400 mL/kg/24h. ou créatinémie > 265 µmol/L,                                      

- enfant : diurèse < 12mL/kg/24h. ou créatinémie élevée pour l’âge

13-   Collapsus circulatoire (TAS <50 mmHg avant 5 ans, TAS < 80 mmHg après 5 ans)

14-   Hémorragie anormale

15-   Oedème pulmonaire (radiologique)

 

3.2.2. Accès pernicieux palustre ou neuropaludisme ou paludisme cérébral

·       température  de 39°C jusqu’à 42°C

·       coma calme avec hypotonie et aréflexie  (chez l’adulte : coma hypotonique sans convulsion ni signe focal ; chez l’enfant, convulsions),

·       score de Glasgow  < 9

·       pas de signes méningés, mais  ponction lombaire obligatoire

·       convulsions  > 2/24 h. (enfants)

·       parfois, manifestations psychiatriques au début

·       anémie

·       + autres critères de gravité

 

3.2.3 Accès palustres graves (autres que le neuropaludisme)

La présence d’un seul des critères du paludisme grave lors de l’examen clinique initial définit l’accès palustre grave qui doit être traité comme un neuropaludisme.

 

Dans les 2 cas, la mortalité est élevée > 10 à 30% avec risques de séquelles chez l’enfant dans 10% des cas (épilepsie, cécité corticale,…), particulièrement au décours d’une hypoglycémie.

 

3.3 Formes cliniques

3.3.1. Paludisme de l’enfant (non encore prémuni en zone d’endémie)

Le paludisme de l’enfant apparaît après la disparition de la protection du nouveau-né par les anticorps maternels et le remplacement progressif de l’HbF par l’HbA, après l’âge de 3 mois. Il acquiert une immunité labile et incomplète, au prix de nombreux accès palustres graves. Il faut insister d’emblée sur la nécessité d’un traitement rapide et efficace et sur le rôle protecteur d’une supplémentation en vitamine A.

3.3.1.1. les accès palustres simples

- toute fièvre chez un enfant en zone d’endémie palustre doit faire évoquer le paludisme,

- elle peut être isolée ou accompagnée de signes digestifs (vomissements, diarrhée surtout chez le nourrisson), de céphalées, de convulsions,

- la présence de convulsions ne doit pas être abusivement attribuée à une fièvre élevée, mais doit faire craindre l’installation d’un neuropaludisme.

3.3.1.2. les formes graves. Trois formes cliniques prédominent : le neuropaludisme , l’anémie grave, la détresse respiratoire. Les facteurs de gravité sont : le neuropaludisme (profondeur du coma, convulsions répétées, âge < 3ans, parasitémie > 20%), et l’hypoglycémie attribuée au paludisme. En zone d’endémie, plus de 90 % des décès sont observés chez des enfants.

3.3.1.3. Le paludisme congénital : la réalité de l’infection transplacentaire du nouveau-né est admise, liée au passage de globules rouges parasités du placenta. Le paludisme congénital-maladie est rare. Il apparaît après un délai variable de 5 à 60 jours et le signe clinique constant est la fièvre.

3.3.2. Paludisme de l’adulte

Classiquement, l’adulte autochtone ne présente pas de formes graves en zone d’endémie palustre. En pratique, le paludisme grave de l’adulte est une réalité. C’est une pathologie émergente dont la recrudescence actuelle relève de plusieurs facteurs : urbanisation non contrôlée croissante, variations climatiques, usage erroné des antipaludiques, prolifération dense d’anophèles dans les quartiers périphériques des villes.

Par rapport au paludisme de l’enfant, hypoglycémie et anémie sont rares. On note la fréquence des tableaux polymorphes associant état de choc, insuffisance rénale, coagulapathie, hémoglobinurie et détresse respiratoire, l’atteinte neurologique étant alors au second plan. La mortalité est proche de 20% . On note la fréquence des infections nosocomiales et des décès par choc septique.

3.3.3. Paludisme de la femme enceinte

Le paludisme est beaucoup plus fréquent chez la femme enceinte, surtout pendant le 3éme trimestre et à l’accouchement. Des complications aiguës et graves sont notées : mortalité fœto-maternelle, accès pernicieux dans les régions d’endémie instable où les cas sont peu fréquents en dehors des épisodes épidémiques. En zone de paludisme stable, problèmes d’anémie chez la mère et retard de croissance fœtale responsable d’un déficit pondéral à la naissance, principalement marqué chez les primigestes.

Fréquence de l’hypoglycémie sévère après début du traitement par la quinine (qui favorise la libération d’insuline), de l’œdème pulmonaire, de l’anémie.

La prophylaxie pendant la grossesse dans les zones d’endémie est systématique

3.3.3. Le paludisme transfusionnel : Il survient 2 à 3 semaines après une transfusion. Le dépistage des anticorps antipaludiques se fait par la technique d’immunofluorescence indirecte.

Dans les pays développés, le dépistage se fait chez les donneurs de sang ayant séjourné en zone d’endémie palustre depuis plus de 4 mois et jusqu’à la 3ème année après leur retour, un séjour remontant à moins de quatre mois en zone d’endémie est une contre-indication absolue à un don homologue.

3.3.4. Le paludisme et l’infection à VIH/SIDA: les études actuelles semblent annoncer une aggravation du paludisme en cas de co-infection avec le VIH, notamment chez l’adulte. Il y a une nette augmentation de la prévalence et de la densité parasitaire moyenne de Pl. falciparum chez les femmes infectées par le VIH par rapport aux femmes séronégatives. La coinfection paludisme-VIH a un effet particulièrement marqué sur le poids de naissance de l’enfant, les 2 affections se potentialisant mutuellement. Aucune étude n’aurait montré une interaction paludisme-infection à VIH chez les enfants.

 

4. Diagnostic

4.1. Clinique :  grandes difficultés du diagnostic clinique

4.2. Biologique

4.2.1. Non spécifique : la numération formule sanguine montre une cytopénie (anémie, leucopénie, thrombopénie)

4.2.2. Spécifique :  la parasitologie

4.2.2.1. Les techniques microscopiques conventionnelles : frottis mince, goutte épaisse : elles demeurent la référence, elle nécessitent une méthodologie simple, mais précise et rigoureuse et un long apprentissage. La sensibilité est corrélée au temps d’observation (pour un frottis : lecture d’au moins 100 champs, en pratique 20 minutes).

Le frottis mince permet :

·       l’étude morphologique des hématozoaires,

·       le diagnostic différentiel entre les espèces plasmodiales (il reste toujours un défi même pour un  lecteur averti)

La goutte épaisse, examen de référence de l’OMS, est largement utilisée pour le diagnostic de routine. Sa sensibilité est 20 à 30 fois plus élevée que celle du frottis mince. Le problème du diagnostic d’espèce se pose rarement et l’incertitude est  le plus souvent sans conséquence sur la conduite thérapeutique.

La densité parasitaire est estimée par le pourcentage d’hématies parasitées. La goutte épaisse détecte des parasitémies  de 3 à 5 parasites/µL, le frottis 100 à 200 parasites/µL.

4.2.2.2. La technique microscopique par fluorescence 

La coloration fluorescente des acides nucléiques par l’acridine orange : le malaria-test QBC (quantitaive buffy-coat). Cette technique nécessite une équipement particulier et un personnel entraîné pour l’identification d’espèce, mais pas pour le diagnostic positif. Elle n’est plus, en pratiquée, utilisée.

4.2.2.3. Mise en évidence des antigènes parasitaires : tests rapides sur bandelette réactive contenant un anticorps monoclonal (durée : 5 à 15 mn)

- immunocapture de l’Ag HRP-2 (histidine-rich protein-2), spécifique de P. falciparum : ParaSight F®,  ICT Malaria Pf ®, Core Malaria®, Kat-Quick Malaria®

- immunocapture de l’AgHRP-2 et de la pLDH (lactate deshydrogénase parasitaire) commune aux 4 espèces parasitaires : Now® ICT Malaria Pf/Pv, OPTIMAL® IT, 

- immunocapture de l’Ag HRP-2, d’une pLDH spécifique de P. vivax et d’une pan-pLDH pour la détection des 2 autres espèces : PALUTOP+4®, nouveau test d’aide au diagnostic d’espèce du paludisme

Les qualités et la facilité d‘utilisation des tests rapides devraient permettre de les intégrer dans les procédures de prise en charge des malades dans les PED.

Se rappeler que les antigènes restent positifs quelques jours (7 jours et plus) et qu’ils peuvent être faussement positifs en présence de facteur rhumatoïde.

4.2.2.4. Techniques de biologie moléculaire : la PCR permet la détection de parasitémies très faibles (voyageurs sous chimioprophylaxie)

4.2.2.5. La sérologie : immunofluorescence indirecte, ELISA. Elle n’a pas sa place pour le diagnostic des accès palustres : elle ne permet pas de différencier une infection palustre en cours d’un paludisme antérieur. Elle a 3 indications : étude d’une fièvre prolongée inexpliquée hors zone d’endémie, dépistage chez les donneurs de sang, études épidémiologiques.

 

Note : il faut toujours considérer le patient comme à priori infecté par P. falciparum, même si la réponse du laboratoire est en faveur d’une des 3 autres espèces plasmodiales ,

 

En pratique, le diagnostic parasitologique repose sur le frottis sanguin :

- positif, il permet l’identification de l’espèce et le calcul de la parasitémie,

- négatif, il ne doit pas faire conclure à l’absence d’accès palustre, mais faire pratiquer une goutte épaisse et un 2ème frottis (et si possible un test rapide sur bandelette) et seule la négativité de ces examens permet de conclure à l’absence d’accès palustre.

 

5. Traitement

 

5.1. Les antipaludiques

5.1.1. Classification des antipaludiques 

5.1.1.1. Schizonticides érythrocytaires 

Amino-4-quinoleines : chloroquine (NIVAQUINE®), amodiaquine (FLAVOQUINE®),

Amino-alcools : quinine (QUINIMAX®, QUINOFORME®, QUININE LAFRAN), méfloquine (LARIAM®), halofantrine (HALFAN®), luméfantrine,

Sesquiterpènes : artémisinine et ses dérivés : dihydroartémisinine, artéméther (PALUTHER®), artèsunate (ARSUMAXâ), artéether,

Antimétabolites : antifoliques : sulfadoxine, dapsone

                           antifoliniques : proguanil (PALUDRINE®), pyriméthamine (MALOCIDEâ))

                           antibiotiques : cyclines (DOXYPALU®), clindamycine (DALACINE®)

                           analogues de l’ubiquinone : atovaquone.

5.1.1.2. Schizonticides intra-hépatiques 

Amino 8 quinoléines : primaquine, tafénoquine

Antimétabolites : proguanil, cyclines.

5.1.1.3. Gamétocytocides :

Amino 8 quinoléines : primaquine, tafénoquine.

5.1.1.4. Associations d’antipaludiques à effet synergique schizonticide

L’action synergique de molécules permet d’augmenter l’efficacité des médicaments et d’obtenir une protection mutuelle des produits contre l’acquisition de résistance du parasite.

Certains sont anciens :

- Sulfadoxine + pyriméthamine 5FANSIDAR®)

- Quinine + cyclines

- Méfloquine + sufadoxine+ pyriméthamine : FANSIMEF® (utilisé en Asie du sud-est)

- Choroquine + proguanil : SAVARINE® (en chimioprophylaxie seulement)

Les nouveaux antimalariques sont tous associés, au moins en bithérapie :

- soit en associations fixes : artéméther + luméfantrine : COARTEMâ, RIAMET® ; atovaquone + proguanil : MALARONE® ; chlorproguanil + dapsone : LAPDAP®)

- soit en associations libres (2 sortes de comprimés), l’artésunate ne devant pas être employé seul :

- Artésunate + sulfadoxie-pyriméthamine (ARSUDAR®).

- Artésunate + amodiaquine (ARSUCAM®)

- Artésunate + méfloquine (ARTEQUIN®),

Ces deux dernières associations sont en cours de développement en associations fixes pour favoriser la compliance, la premiére pour l’Afrique, la deuxiéme pour l’Asie et l’Amérique latine (prévues en 2006).

 

5.2.1. La quinine : c’est un schizonticide endo-érythrocytaire. Elle mérite une étude spéciale, car elle reste le traitement de référence des formes graves du paludisme à P. falciparum.

- se présente en ampoules, comprimés, suppositoires,

- suivant la gravité du tableau clinique : voie d’administration et posologie différentes :

-          en cas d’accès simples : posologie classique de 25 mg/kg/j. (en pratique 8 mg/kg de quinine-   base toutes les 8 heures, soit 24 mg/kg/j., pendant 7 jours, injectable ou per os),

-          en cas de critères de gravité, dose de charge : 17 mg/kg de quinine base en 4 h., puis dose d’entretien de 8 mg/kg en 4h., toutes les 8 h., en perfusion intraveineuse obligatoire, pendant 7 jours, 

- nécessité de calculer les doses de quinine base : seul le QUINIMAX® est directement exprimé en alcaloïdes bases (98% de quinine base, forme galénique de QUINIMAX®),

- si le paludisme est contracté en zone de quinino-résistance (Asie du sud-est, Amazonie) : adjoindre doxycycline, 200 mg/j ou clindamycine,10 mg/kg toutes les 8 heures

- administration intra-rectale biquotidienne de quinine : 15 à 20 mg/kg de quinine diluée (QUINIMAX® solution injectable), à renouveler éventuellement 12 heures après. Kit d’urgence à disposition

- entraîne fréquemment des acouphènes, même aux doses normales

- survenue d’hypoglycémie sévère sous traitement par quinine (hyperinsulinisme) chez la femme enceinte,

- contre indication (CI) : antécédents de Fièvre bilieuse hémoglobinurique,

- grossesse et allaitement ne sont pas des C.I.,

- attention au surdosage en quinine, se méfier d’une cardiotoxicité avec torsade de pointe, collapsus : la posologie exprimée en quinine-base doit être calculée avec attention, surtout chez l’enfant.

5.2.2. Les autres antimalariques schizonticides

· amino 4 quinoleines :

- chloroquine( NIVAQUINE®), comprimés à 100 et à 300 mg, sirop pédiatrique 5 mg/ml, ampoules injectables  dosées à 100 mg IM, posologie OMS 25 mg/kg en 3 jours. J1 et J2 : 10  mg/kg, J3 : 5mg/kg

-amodiaquine  (FLAVOQUINE®), comprimés à 153 mg, 30 mg/kg en 3 jours 

Chloroquinorésistance présente actuellement dans pratiquement toutes les zones d’endémie, mais relative bonne efficacité clinique en Afrique de la chloroquine et de l’amodiaquine.

Effets indésirables : chloroquine : toxicité cardiovasculaire en bolus ; amodiaquine : agranulocytose, hépatite grave (en chimioprophylaxie).

● amino-alcools autres que la quinine :

-          méfloquine (LARIAM®) : posologie : 25 mg/kg en 2 ou 3 prises (seule présentation : comprimés de 250 mg) ; CI : antécédents psychiatriques ou de convulsions, effets neuropsychiques, vomissements 

-          halofantrine (HALFAN®): posologie : 25 mg/kg en 3 prises (présentation : comprimés de 250 mg, suspension buvable : 100 mg/5 ml) ; nécessité d’une 2ème cure d’halofantrine sept jours plus tard pour éviter une éventuelle rechute plasmodiale chez un sujet non immun ; CI : patients à risque cardiaque, d’où la réalisation préalable d’un électrocardiogramme avant une cure d’halofantrine à la recherche d’un éventuel allongement de l’espace QT ;

·  association sulfadoxine-pyriméthamine (FANSIDAR®) :

-          comprimés à 500 mg de sulfadoxine et 25 mg de pyriméthamine, posologie : 3 comprimés en une prise , 1 jour (enfant : 1cp/10 kg).

-          résistance de souches de P. falciparum d’Asie, d’Afrique de l’est, d’Amérique du sud,

-          toxicité hématologique et cutanée .

· dérivés de l’artémisinine 

-          artéméther (PALUTHER®), en intra-musculaire profonde (ampoules de 40 mg/0,5 ml et 80 mg/1 ml) : intérêt dans les formes graves à P. falciparum; posologie : 1,6 mg/kg toutes les 12 heures à J1 (3,2 mg/kg/j), puis 1,6 mg/kg/24h. de J2 à J5. Bonne tolérance.

-          artésunate (ARSUMAX®), comprimés à 50 mg, 100 mg le premier jour, puis 50 mg pandant les 4 jours suivant. L’artésunate ne doit pas être utilisé seul.

· antibiotiques : doxycycline (DOXYPALU®) (200 mg/j si plus de 12 ans, 100 mg/j entre 8 et 12 ans, pendant 7 jours), associée à la quinine IV (zones de quininorésistance : forêts d’Asie du sud-est et Amazonie) [ou clindamycine (DALACINE® : 10 mg/kg toutes les 8 heures pendant 7 jours].

· association artéméther+luméfantrine (COARTEM/RIAMET®) : comprimés à 20 mg d’artéméther et à 120 mg de luméfantrine pour le traitement de l’accès palustre simple à P. falciparum : 4 comprimés en 2 prises par jour pendant 3 jours (dose adulte). Il n’est pas utilisé en chimioprophylaxie. Effets secondaires : troubles du sommeil, céphalées, étourdissements, troubles digestifs, prurit. Il n’y a pas de cardiotoxicité.

· association atovaquone+proguanil (MALARONE®), comprimés à 250 mg d’atovaquone et à 100 mg de proguanil pour le traitement du paludisme simple à P. falciparum de l’adulte et de l’enfant de 12 ans et plus : 4 comprimés en prise unique quotidienne pendant 3 jours. Bonne tolérance : quelques troubles digestifs. Chez l’enfant de moins de 12 ans (comprimés à 62,5 mg/25 mg), l’ajustement des doses et la tolérance sont encore à l’étude pour le traitement curatif. Cette association a une action sur les souches hépatocytaires de P. falciparum.

association chlorproguanli+dapsone (LAPDAP®), comprimés chlorproguanil (C) 80 mg, dapsone (D) 100 mg, et comprimés enfants : C 15 mg, D 18,75mg ; posologie : C 2mg/kg et D 2,5 mg/kg pendant 3 jours. Peut déclencher des hémolyses si déficit en G6PD et nécessite des précautions d’emploi chez les patients anémiques.

 

5.3. Conduite à tenir  devant un accès palustre. Elle fait l’objet d’une fiche thérapeutique pratique (B.A. Gaüzère)

5.3.1. Accès palustre à P. falciparum

5.3.1.1. Accès palustre simple 

Bien que la chloroquinorésistance soit présente pratiquement dans toutes lez zones d’endémie, la chloroquine reste cependant le traitement de référence dans de nombreux pays où elle garde une bonne efficacité clinique. L'amodiaquine et l'association sulfadoxine-pyriméthamine sont utilisés en cas d’échec ou en première intention selon les résistances locales. Cependant, la chloroquine est réintroduite dans certains pays, comme le Malawi, Pl. falciparum étant redevenu sensible.

Cependant, pour les pays du groupe 2 et 3, les trois antipaludiques à priori actifs dans les PED sont la quinine, le LARIAM® et l’HALFAN®. L’efficacité des nouveaux antimalariques COARTEM ou RIAMET® et MALARONE® est égale à celle du LARIAM® ou de l’HALFAN®.

Les associations libres artésunate+amodiaquine et artésunate+méfloquine sont recommandées dans les PED. Madagascar (et 14 autres PED) doit introduire l’association artésunate+amodiaquine comme première ligne de traitement du paludisme non compliqué, à la place de la chloroquine et de la sulfadoxine+priméthamine...

5.3.1.2. Accès palustre grave 

La quinine intraveineuse demeure l’antipaludique de l’urgence : 25 mg/kg/j de quinine base avec dose de charge recommandée par l’OMS tant chez l’adulte que chez l’enfant, indépendamment de la zone géographique. La doxycycline est associée à la quinine dans les zones de forêts d’Asie du sud-est et d’Amazonie (souches de P. falciparum résistantes à la quinine).

Les nouvelles présentations de l’artémisinine sont des substituts à la quinine : artésunate par voie rectale, artéméther  (PALUTHER®) par voie intramusculaire et artésunate par voie veineuse. L’artésunate est plus efficace, plus maniable et mieux tolérée que la quinine dans le traitement de l’accès pernicieux palustre, du moins en Asie du sud-est. Il faut souligner l’intérêt du PALUTHER® dans le traitement du paludisme grave : il peut être utilisé dans des régions peu médicalisées, compte-tenu de son mode d’administration par voie intramusculaire.

Le dosage de la quininémie permet de juger de l’efficacité du traitement étiologique par la quinine. Les valeurs thérapeutiques sont comprises entre 10 et 15 mg/l ; au-dessous de 8 mg/l, il y a risque d’inefficacité ; au-dessus de 20 mg/l, il y a risque de cardiotoxicité. Le dosage de la quininémie est indispensable pour adapter la posologie de la quinine en cas d’insuffisance rénale.

5.3.2. Accès palustre à P. vivax, ovale, malariae : La chloroquine est le traitement de choix : 25 mg/kg en 3 jours (J1 et J2 : 10 mg/kg, J3 : 5 mg/kg). L’action hypnozoïtocide de la primaquine en fait le traitement des rechutes à P. vivax et P. ovale, mais son emploi n’est pas recommandé (risques iatrogènes et hémolyses si déficit en G6PD). 

 

 

 

Tableau III- Traitement symptomatique du paludisme grave chez l’enfant, associe au traitement anti-palustre

 

Symptômes

 

 

Traitement

 

Acidose métabolique

 

 

Anémie grave

 

Collapsus

 

Coma

 

 

 

Convulsions

 

 

 

 

Hémorragie par CIVD

 

 

Hyper parasitémie

 

Hyperthermie

 

Hypoglycémie

 

Insuffisance rénale

 

Oxygénothérapie et correction de la cause : hypoglycémie, anémie, déshydratation, collapsus, septicémie.

 

Transfusion si mauvaise tolérance.

 

Remplissage vasculaire prudent.

 

Nursing, ventilation mécanique si score de Glasgow < 8.

Hypertension intracrânienne : oxygénation et correction des facteurs adjuvants, mannitol déconseillé.

 

 

Pas de prévention systématique.

Traitement des crises : diazépam IVL 0, 3 mg/kg  ou intra rectal 0,5 mg/kg, puis dose de charge de phénobarbital 10-20 mg/kg.

Si état de mal convulsif : sédation et ventilation mécanique

 

Plasma frais congelé.

 

 

Quinine IV. Exsanguino-transfusion non indiquée.

 

Mesures physiques et paracétamol 60 mg/kg/j. Salicylés contre-indiqués.

 

Sérum glucosé à 50% : 1 ml/kg IV, puis perfusion de sérum glucosé à 5%.

 

Correction de l’hypovolémie, puis relance de la diurèse par le furosémide ; si échec : épuration extra-rénale.

 

 

 

6. Prophylaxie

6.1. Lutte antivectorielle

·       aspersions intra-domiciliaires d’insecticides à effet rémanent,

·       moustiquaires imprégnées d’insecticides (deltaméthrine, perméthrine): outil majeur de prévention

du paludisme au niveau communautaire, stratégie de lutte recommandée par l’OMS. Mais la résistance des vecteurs est préoccupante, et il est nécessaire de ré-imprégner régulièrement les moustiquaires pour maintenir leur efficacité. Actuellement, développement de moustiquaires imprégnées «longue durée» avec une rémanence de plusieurs années.

·       ports de vêtements imprégnés de perméthrine (utilisés par les armées)

·       répulsifs (insecticides ou répellents) de durée d’action limitée (3 à 6 heures). La diéthyl-toluamide

(DEET 50%)  est l’insecticide de référence. Selon les recommandations du CDC d’Atlanta, l’emploi de DEET 50% est autorisé chez la femme enceinte, y compris au premier trimestre de la grossesse, lors de l’allaitement et chez l’enfant dès l’âge de 2 mois, en évitant l’application sur les mains, portées facilement à la bouche. A côté du DEET, apparaît une classe prometteuse de produits répulsifs dérivés de la pipéridine.

·       aménagements de l’environnement destiné à diminuer le nombre de gîtes anophéliens.

Les précautions en vue d’une protection efficace contre les moustiques doivent être prises dès la tombée de la nuit.

 

6.2. Chmioprophylaxie

 

6.2.1. Chimioprophylaxie des expatriés et des voyageurs

La prophylaxie médicamenteuse est indispensable pour des séjours classiquement de durée inférieure à 3 mois pour les zones à P. falciparum. Elle n’est pas efficace à 100%. Elle doit être prise pendant tout le séjour et après le retour pendant un durée variant avec l’antipaludique.

Schéma prophylactique pour l’adulte suivant le groupe 1, 2 ou 3 :

- pays du groupe 1 : chloroquine (NIVAQUINE®) 100 mg/j,

- pays du groupe 2 : association chloroquine (100 mg/j)+proguanil (200 mg/j) (SAVARINE®) 1 comprimé par jour, ou association atovaquone+proguani (MALARONE®) : dose chez l’adulte et chez l’enfant > 40 kg :1 comprimé adulte  (250mg/100 mg) par jour

- pays du groupe 3 : trois choix sont classiquement possibles :

- choix n°1 : LARIAM® , comprimés à (250 mg, 1 comprimé par semaine, 

- choix n°2 : MALARONE® : même dose que pour les pays du groupe 2

- choix n°3 : doxycycline (DOXYPALU®), comprimés à 100 et 50 mg: 100 mg chez l’adulte et chez l’enfant de plus de 8 ans pesant plus de 40 kg, 50 mg chez l’enfant de plus de 8 ans pesant moins de 40 kg.

 

Schéma prophylactique chez la femme enceinte suivant le groupe 1, 2 ou 3 :

- pays du groupe 1 : NIVAQUINE®

- pays du groupe 2 : SAVARINE® ou MALARONE®,

-  pays du groupe 3 : séjour déconseillé, si séjour indispensable : LARIAM® ou MALARONEâ

 

Schéma prophylactique chez l’enfant suivant le groupe 1, 2 ou 3 :

-  pays du groupe 1 : NIVAQUINE®

- pays du groupe 2 : association chloroquine (NIVAQUINE®) 1,5mg/kg/j +proguanil (PALUDRINE®) 3mg/kg/j, la SAVARINE® n’étant prescrite qu’à partir de 15 ans ou MALARONE ®, enfants de 11 à 40 kg,: comprimé enfant (62,5 mg/25 mg) suivant poids : 1 cp/j de 11 à 20 kg, 2 cp/j de 21 à 30 kg, 3 cp/j de 31 à 40 kg

- pays du groupe 3 : si poids > 15 kg ou âge > 3 ans : LARIAM®, alternative : DOXYPALU® si > 8 ans ou MALARONEâ si poids entre 11 kg et 40 kg, les posologies variant avec le poids de l’enfant.

La chimioprophylaxie doit être poursuivie pendant 4 semaines après le retour, sauf pour le LARIAM®   pendant  3 semaines et  pour la MALARONEâ pendant 7 jours seulement, ce court délai  s’expliquant par l’activité schizonticide de la MALARONE® dans les formes tissulaires de P. falciparum en développement transitoire dans le foie.

La durée de la chimioprophylaxie a été modifiée : jusqu’ici limitée aux trois premiers mois de séjour, elle a été prolongée par le CSHPF a six mois.

Extrait du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire n° 24-25/2005 : «Lors du premier séjour, la chimioprophylaxie, adaptée au niveau de résistance, devrait être impérativement poursuivie pendant les six premiers mois, sauf avec l’association atovaquone-proguanil, pour laquelle on ne dispose pas d’un recul suffisant en prise prolongée dans cette indication. Au-delà de cette durée et sachant que la poursuite d’une prise continue pendant plusieurs années paraît irréaliste, la chimioprophylaxie pourrait être éventuellement modulée avec l’aide de médecins référents locaux. Une prise intermittente durant la saison des pluies ou lors de certains déplacements pourrait par exemple être envisagée. Dans tous les cas, il est indispensable que la prise en charge rapide d’une fièvre par le médecin référent puisse être assurée. Il convient de prévenir les intéressés de la persistance du risque pendant 2 mois lors du retour en France pour les congés».

Il y a deux candidats à la prophylaxie des formes tardives de la maladie: la primaquine et l’association atovaquone-proguanil, agissant sur le cycle hépatique, pour les voyages dans les régions infestées par P. vivax ( Corne de l’Afrique, Asie, Amérique du sud).

 

6.2.2. Une nouvelle chimioprophylaxie : le  Traitement Préventif iItermittent  (TPI) des femmes enceintes et des enfants des pays en développement 

Le traitement préventif intermittent (TPI) consiste dans l’administration intermittente et systématique d’antipaludiques (amodiaquine ou SP, associés ou non à un dérivé de l’artémisinine) à titre prophylactique. La chimioprophylaxie est recommandée par l’OMS pendant la grossesse dans les zones d’endémie palustre. SP est utilisée préférentiellement à doses curatives lors des visites prénatales.

Chez les enfants, le TPI avec SP, administré pendant la première année lors des séances du Programme Elargi de Vaccinations, diminue l’incidence du paludisme et de l’anémie. Dans une étude récente menée au Ghana, le TPI avec SP diminue bien l’incidence du paludisme (25%) et de l’anémie (35%) jusqu’à l’âge de 15 mois, mais on note une augmentation significative des accès palustres avec une densité parasitaire élevée entre 16 et 24 mois, ce que peut expliquer la non acquisition d’une prémunition pendant le TPI..

 

6.2.3. Effets indésirables des médicaments antimalariques en chimioprophylaxie :

Tous les médicaments antimalariques utilisés en chimioprophylaxie : chloroquine, méfloquine, doxyxycline, choloroquine+proguanil, atovaquone+proguanil ont des effets indésirables, neuropsychiques, digestifs, cutanés, en règle non graves. La méfloquine a la plus haute proportion de manifestations neuropsychiques surtout chez les femmes [céphalées, vertiges, troubles psychiques (tendance dépressive, confusion, obnubilation, anxiété, hallucinations,…]). L’association chloroquine+proguanil a la plus haute proportion de troubles cutanés (prurit, éruptions). Tous entraînent des troubles digestifs. La photosensibilité à la doxycycline est dose-dépendante non significative à 50 mg.

 

7. Traitement pour les voyageurs d’une fièvre suspectée de cause palustre

En l’absence de prise en charge individuelle au-delà de 12 heures, des médicaments de réserve doivent être utilisés : FANSIDAR® : limité à l’Afrique de l’ouest et centrale, LARIAM® et quinine (nourrissons et femmes enceintes). L’HALFAN® n’est plus recommandé, vu la nécessité d’un ECG avant le départ, et des CI en cas d’associations à de nombreux médicaments, hypokaliémiants ou antiarythmiques.

 

8. Vaccination antipalustre : les vaccins candidats

Ils sont basés sur les divers antigènes issus des différents stades du cycle évolutif parasitaire 

- vaccins anti-stade exo-érythrocytaire : ils visent à empêcher le sporozoïtes de pénétrer ou

 de se développer dans les cellules du foie,

- vaccins anti-stade sanguin asexué  (antimérozoïtes) : ils empêchent les mérozoïtes de pénétrer ou de se développer dans les G.R.

- vaccins bloquant la transmission : ils induisent des anticorps empêchant la maturation des stades sexués du parasite chez le moustique.

Les recherches se développent et récemment, l’identification de récepteurs moléculaires dans le phénomène de cyto-adhérence des hématies parasitées au placenta permet d’envisager de nouvelles solutions vaccinales qui pourraient s’appliquer aux femmes enceintes, particulièrement aux primigestes.

 

Deux problèmes encore d’actualité 

Le paludisme d’altitude : l’exemple du Burundi. En 1991, les premières épidémies ont été observées dans les plateaux centraux du Burundi, auparavant indemnes. En octobre 2000, une grande épidémie de paludisme a été observée dans les plateaux centraux avec 3 000 000 de cas, dont 10 à 15% de morts pour la seule année 2000.

Le paludisme urbain. En 2002, prés de 40% de la population africaine vit en zone urbaine. Cette population citadine ne peut acquérir une bonne immunité de prémunition et on prévoit avec l’accélération de l’urbanisation une diminution globale de l’incidence du paludisme (diminution de la transmission anophèlienne dans les centres urbains), mais une augmentation des formes graves de paludisme. En fait, le concept qu’il n’y a pas de paludisme dans les grandes villes tropicales mérite d’être ré-évalué : de nombreux cas de transmission urbaine du paludisme ont été rapportés en 2002 en Inde.

 

Aucun accès palustre bien traité suffisamment tôt ne devient fatal,

L’information ne passe toujours pas : la mauvaise compliance aux mesures de prophylaxie explique la majorité des accès palustres chez les expatriés,

Les conseils médicaux sont le plus souvent inadéquats en matière de paludisme,

Aucune chimioprophylaxie même respectée n’est efficace à 100%,

Le paludisme reste, au début du XXIème siècle, une des causes majeures de morbidité et de mortalité surtout chez l’enfant africain.

 

 

Références

 

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Iconographies 

 

·       Schéma simplifié du cycle parasitaire de Plasmodium

·       Les Iles du sud-ouest de l’Océan Indien. Distribution des vecteurs

·       Les faciès épidémiologiques du paludisme à Madagascar

·       Le paludisme dans le monde (OMS, 2001)

·       Evaluation de la résistance de Plasmodium falciparum en fonction de la parasitémie

·       Classification des pays en fonction de la chloroquino-résistance (2005)

·       Antipaludiques utilisables en traitement curatif

·       Antipaludiques utilisables en prophylaxie