Paludisme
Actualités 2005
Professeur Pierre Aubry. Mise à jour le 17/10/2005
1. Généralités
1.1. « Un des rares fléaux de Santé
Publique qui ait
traversé les siècles sans jamais perdre de son activité »
Le paludisme touche
plus de 90 pays, 2 milliards 400 millions de personnes (40% de la population
mondiale), 300 à 500 millions d’accès/an, 1 500 000 à 2 000 000 décès par an,
en particulier chez les enfants de moins de 5 ans. Quatre vingt dix % des cas
intéressent les pays de l’Afrique subsaharienne (incidence en Afrique :
500 à 900/1000 ; en Asie : 5 à 6/1000). Le poids du paludisme n’a
pratiquement pas changé dans les zones où sa transmission était la plus élevée,
notamment en Afrique.
En 1999, initiative
associant OMS, UNICEF, PNUD et Banque Mondiale pour «Faire reculer le
paludisme, Roll back malaria» :
la prévention de la morbidité et de la mortalité sont les nouveaux objectifs de
stratégies de lutte.
En 2000, à la
conférence d’Ahuja, le paludisme est avec l’infection à VIH/SIDA et la
tuberculose une des 3 grandes priorités sanitaires mondiales. Le but est de
réduire de moitié le poids du paludisme en terme de morbi-mortalité, d’impact
économique et social entre 2001 et 2010.
Nos connaissances sur
le paludisme doivent être simples mais leur application doit être rigoureuse.
Il n’existe pas de signe pathognomonique du paludisme. Il n’existe pas de
manifestations cliniques du paludisme sans parasitémie.
1.2. Trois acteurs : le
protozoaire, l’anophèle, l’homme.
1.2.1. Le plasmodium :
4 espèces de plasmodium (sporozoaires)
·
P.
falciparum : responsable de la fièvre tierce
maligne, la seule espèce qui tue,
très fréquente (90 % des cas de paludisme à Madagascar et aux Comores),
tropicale, résistante à la chloroquine, mais vite éteint si le malade survit.
·
P.
vivax : fièvre tierce bénigne
·
P.
ovale
·
P.
malariae : fièvre quarte bénigne
1.2.2. Le moustique (hôte définitif ).
L’anophèle femelle, vecteur exclusif d’une maladie strictement interhumaine.
1.2.3. L’homme (hôte
intermédiaire). Seul hôte réservoir, cycle schizogonique
ou asexué: formes sexuées qui assurent la transmission et la survie de
l’espèce, acquisition d’une défense de type prémunition au prix d’une mortalité
infantile très élevée pour P. falciparum.
2. Epidémiologie
2.1. Le cycle
évolutif du Plasmodium comprend quatre phases :
- le développement parasitaire chez l’homme depuis la
migration des sporozoïtes vers le foie jusqu'au gamétocytes en passant par le
cycle érythrocytaire schizogonique ou asexué,
- la transmission « homme-moustique » avec l’ingestion
des gamétocytes,
- le développement sporogonique chez le moustique, depuis les
gamétocytes dans l’estomac jusqu’aux sporozoïtes dans les glandes salivaires,
- la transmission « moustique-homme » avec
l’injection par le moustique des sporozoïtes.
note : les hypnozoïtes sont des formes dormantes
hépatocytaires de P. vivax et de P. ovale responsables de la durée de
l’infection. Quant à P. malariae, il
peut persister asymptomatiquement à un seuil infra-microscopique pendant 20 à
30 ans.
2.2. Le
vecteur : l’anophèle femelle
2.2.1. Ecologie
vectorielle
·
nécessité de repas sanguins pour la
maturation des œufs
·
espérance de vie : 3 à 12 semaines
·
reste près de son lieu de naissance
(< 300 m)
·
pique la nuit entre le coucher et le
lever du soleil
·
vit dans ou hors des maisons (endophile
/ exophile)
·
préfère l’homme ou les animaux
(anthropophile / zoophile)
·
abonde dans certains gîtes et pas dans
d’autres
Exemple des Iles de
l’Océan Indien
Une vingtaine d’espèces anophèliennes
impliquées, dont :
·
An.
gambiae : gîtes temporaires, côtes de Madagascar, Comores
(citernes)
·
An.
funestus : collections d’eaux permanentes, Madagascar
(rizières)
· An. mascarensis :
sud est de Madagascar (Région de Fort-Dauphin), Ile Sainte Marie
·
An.
arabiensis : Madagascar, Ile Maurice (P. vivax ), Ile de la Réunion. An. arabiensis est la seule espèce
pouvant être responsable de l’émergence de cas autochtones à l’Ile de La
Réunion, bien que sa faible longévité (< 14 jours) et son comportement
exophile et zoophile favorisent le maintien de l’état d’éradication. Il faut 4
à 5 semaines pour qu’un anophèle infesté devienne infestant.
2.2.2.Transmission
Conditions de
température (> 19°C pour P. falciparum
et > 16° pour P. vivax),
d’altitude (<1.500 m en Afrique) et de précipitations. D’où la notion de stabilité
du paludisme :
· paludisme
instable : transmission brève, vie de l’anophèle brève, peu de prémunition,
forte mortalité à tout âge,
· paludisme
stable : transmission prolongée, circulation anophèlienne pérenne,
anophèle anthropophile et à espérance de vie longue, prémunition rapide,
mais mortalité infantile importante, existe dans toute l’Afrique
intertropicale sauf : centre des grandes villes, altitude supérieure à 1
500 m et zone de transmission faible (Sahel).
Cinq
faciès épidémiologiques sont décrits à Madagascar en lien direct avec les
différents types climatiques :
paludisme stable à forte transmission toute l’année sur la côte est, stable
mais avec forte transmission en saison des pluies (novembre à mars) sur la côte
ouest et le nord, paludisme instable à transmission liée aux précipitations
dans le sud (faciès sahélien), instable et saisonnier (novembre à avril) sur
les Hautes Terres Centrales jusqu'à 1500 mètres d’altitude.
2.3. Répartition géographique (source
OMS 2001)
La transmission du paludisme
est élevée dans toute la zone intertropicale entre le 30° de latitude nord et
le 30° de latitude sud :
- en Afrique
intertropicale, dans tous les pays, sauf le Lesotho,
- dans l’Océan
Indien, dans toutes les îles (Madagascar, Comores, Zanzibar), sauf l’Ile de La
Réunion et les Seychelles,
- en Amérique
centrale et en Amérique du sud, en particulier en Amazonie (Brésil, Colombie,
Pérou), sauf au Chili, en Uruguay et au sud de l’Argentine,
- en Asie : dans
tous les pays de l’Asie du sud-est, sauf à Brunei et à Singapour ; dans la
plupart des pays d’Asie centre-sud, en particulier Inde, Sri Lanka, Pakistan,
Afghanistan, Bangladesh,
- au Proche et au
Moyen Orient : dans les pays de la zone, sauf à Bar hein, et Qatar,
- dans les
Caraïbes : en Haïti et en République Dominicaine
- en Océanie :
aux Iles Salomon, au Vanuatu, en Papouasie Nouvelle Guinée.
Les Départements et
Territoires français d’Outre Mer sont des pays sans transmission de paludisme
(Martinique, Guadeloupe, Ile de la Réunion, Nouvelle Calédonie, Polynésie),
sauf la Guyane et Mayotte. L’incidence à Mayotte est estimée à 3 000 cas/an.
Note :
Le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (CSHPF) signale chaque année
les changements de groupe des pays d’endémie. Ainsi en 2005, 15 pays sont passés
du groupe 2 au groupe 3, dont en Afrique : Sénégal, Sierra-Léone, Libéria,
Namibie, les 2 Guinée, la Côte d’Ivoire (BEH n°24-25/2005).
2.4. Immunité :
notion de prémunition
C’est
un état d’immunité relative ou prémunition : équilibre hôte-parasite après
plusieurs années d’exposition si la transmission est constante, acquis
progressivement en 5 ans et plus (au prix d’une mortalité infantile
élevée), labile, qui disparaît en 12 à 24 mois chez le sujet immun qui quitte
la zone d’endémie, chez la femme enceinte au 2ème et 3ème
trimestre de la grossesse et chez le splénectomisé,
Il faut insister sur
la grande variabilité des réponses à l’infection palustre entre des individus
vivant dans les mêmes zones d’endémie. La résistance au paludisme est innée ou
acquise de façon non spécifique :
2.4.1.facteurs génétiques humains conférant
une résistance
- facteurs de
résistance érythrocytaires : modifications de la chaîne ß de l’hémoglobine
(HbS, HbC, HbE), modifications des taux de synthèse des chaînes de globine (thalassémies),
modifications d’un enzyme érythrocytaire essentielle (G6PD), modifications des
caractères de la membrane et du cytosquelette des érythrocytes (groupe sanguin
Duffy, ovalocytose héréditaire)
- facteurs de
résistance non érythrocytaires : certains groupes HLA.
2.4.2. statut nutritionnel :
relation entre la MPE ou les déficits en fer et la sensibilité au paludisme
grave controversée.
Le témoin de la
prémunition : la splénomégalie, dont la présence et le degré chez les
enfants de moins de 10 ans constituent des marqueurs du niveau d’endémie
palustre (indice splénique).
2.5. Chimiorésistance
2.5.1. Du vecteur : résistance aux insecticides (en
particulier aux pyréthrinoïdes d’A.
gambiae en Afrique subsaharienne)
2.5.2. Du
plasmodium : notion de résistance des plasmodium
Elle
intéresse essentiellement P. falciparum,
mais quelques souches de P. vivax
sont chloroquino-résistantes en Papouasie Nouvelle Guinée, en Asie du sud-est,
en Amazonie.
2.5.2.1. D’abord à la chloroquine
La
chloroquino-résistance est caractérisée par la persistance de parasites asexués
dans les hématies du patient 7 jours après le début d’un traitement bien
conduit par la chloroquine (25mg/kg pendant 3 jours).
L’évaluation
de la résistance en fonctions de la parasitémie permet de définir trois seuils
de résistance:
·
résistance de stade RI :
disparition des parasites au 7ème jour, suivie d’une réapparition,
·
résistance de stade RII :
diminution de la parasitémie,
·
résistance de stade RIII : aucune
diminution de la parasitémie.
Les résistances de
stade RI, RII, RIII permettent de séparer les pays infectés en 3
groupes 1, 2, 3, appelés par l’OMS : zones A, B, C. Les pays du
groupe 0 sont des pays sans paludisme..
Tableau I. Groupes 1,
2, 3 pour les pays de l’Océan Indien :
Groupe
1 |
Ile
Maurice (P. vivax seulement avec faible risque) |
Groupe
2 |
Madagascar
(RI et RII, absence de RIII) |
Groupe
3 |
Comores
(y compris Mayotte), Mozambique (RIII) |
1e note : Iles Seychelles : pas de risque
palustre, Ile de La Réunion : pas de risque palustre, mais surveillance
active
2e note : pendant l’épidémie de 1986-1988,
près de 1% de la population des Hautes Terres Centrales de Madagascar est
décédée du paludisme (environ 40.000 morts). La reprise de la lutte
antivectorielle (DDT) et de la chimioprophylaxie (chloroquine) a permis l’arrêt
de l’épidémie. Depuis 1999, la stratégie utilisée est celle des aspersions
ciblées aux foyers résiduels détectés par un système de surveillance
épidémiologique et d’alerte. Actuellement, une augmentation progressive de la
résistance à la chloroquine est notée, ce qui est un réel danger dans une
région où la prémunition vis à vis du paludisme est modérée. Cependant, la
chloroquine demeure l’antipaludique de première ligne pour le traitement des
accès palustres simples à Madagascar. Il n’y avait pas en 1997 de résistance
RIII, y compris dans les zones côtières. Actuellement, l’île Sainte Marie
devrait être classée dans le groupe 3.
3e note : une polychimiorésistance est
actuellement connue en Asie du sud-est (zones forestières de Thaïlande,
frontalières du Laos/ Cambodge/ Myanmar
)
2.5.2.2. Autres
médicaments
·
quinine : résistance partielle
limitée aux jungles d’Asie du sud-est et d ‘Amazonie,
·
sulfadoxine-pyriméthamine (SP) :
utilisé en remplacement de la chloroquine (1969), sélectionne des mutants
résistants. Résistance au SP à Mayotte en 2004.
·
méfloquine : résistance en
Thaïlande depuis 1989, actuellement observée en Afrique de l’ouest.
· halofantrine : quelques cas confirmés,
dont un cas à Madagascar (1993)
3. Etude clinique
3.1.Tableaux communs
aux quatre plasmodium
3.1.1. Accès
palustres simples
3.1.1.1. Accès de
primo-invasion : sujets non immuns. Délai après
piqûre infectante variable : classiquement : 11 jours, entre 7 et 14
jours, en fait long chez le sujet sous chimioprophylaxie inadéquate (en règle
< un an )
-
fièvre > 39°C, frissons, sueurs, céphalées, myalgies, malaise général,
anorexie
-
tableaux trompeurs : fièvre modérée (syndrome grippal), cytopénie isolée
chez des sujets suivant une chimioprophylaxie incorrecte
3.1.1.2. Accès chez les sujets
immuns : le portage
d’infections plasmodiales asymptomatiques est fréquent dans les zones où la
transmission est fréquente et pérenne (parfois, plus de 90% de la population).
Il faut penser à une autre maladie infectieuse associée à un
paludisme infection avec portage “asymptomatique”.
3.1.1.3. Accès
répétés liés à des reviviscences schizogoniques ou accès intermittents. Frissons, chaleur, sueurs, accès se
répétant tous les 2 jours : fièvre tierce maligne à P.
falciparum ou bénigne à P. vivax, P. ovale, (ou) tous les 3 jours : fièvre quarte
bénigne : P. malariae. Avec
splénomégalie.
3.1.2. Paludisme
viscéral évolutif (ancienne cachexie palustre)
·
infections palustres répétées
·
enfants de 2 à 5 ans non encore
prémunis vivant en zones d’endémie, européens dans des zones où existent des
souches chloroquinorésistantes,
·
anémie, cytopénie
·
fièvre modérée et intermittente
·
splénomégalie constante, modérée
·
recherche d’hématozoaires positive par
intermittence avec parasitémie faible,
·
sérologie anti-palustre : titre
des anticorps très élevés (IgG)
·
réponse au traitement assez rapide.
Plasmodium
en cause : en principe tous, en pratique P. falciparum.
Différencier PVE
et Splénomégalie palustre hyper-immune
(SPH) ou malarique hyperactive (ancienne splénomégalie tropicale) :
-
adultes vivant en zones d’endémie
-
splénomégalie volumineuse
-
pas de fièvre
-
recherche d’hématozoaires :
négative
-
sérologie anti-palustre : titre
très élevé d’anticorps (IgM)
-
réponse au traitement très lente.
3.1.3. Fièvre
bilieuse hémoglobinurique (FBH)
Bien
connue avant 1950, en rapport avec les prises de quinine dans une zone
d’endémie à P. falciparum, la FBH
semble resurgir au cours de ces dernières années. Les cas sont toujours
observés avec la quinine, mais aussi avec des molécules de structure chimique
apparentée (halofantrine). L’importance d’une polymédication associant 2 ou
plusieurs antipaludiques est soulignée.
La
FBH associe :
-
fièvre élevée + hémoglobinurie macroscopique (urines couleur porto) due à une
hémolyse
intravasculaire aiguë
-
choc, anémie aiguë, insuffisance rénale aiguë (IRA)
-
pronostic sévère : mortalité de l’ordre de 20%, morbidité élevée :
90% des patients présentent une
IRA nécessitant dans 1 cas sur 2 une
epuratiobn extra-rénale
-
diagnostic avec l ‘hémolyse aiguë associée à une forte parasitémie au
cours d’un paludisme grave et avec l’hémolyse médicamenteuse
(amino-8-quinoleines, sulfamides et sulfones en cas de déficit en G6PD).
La
FBH est une contre indication absolue à l’emploi d’amino-alcools
PVE et FBH
sont des formes sévères du paludisme à P.
falciparum, mais restent classés en dehors des accès palustres graves
3.1.4. Les
néphropathies du paludisme : la néphrite quartane est
une néphropathie glomérulaire chronique de l’enfant avec syndrome néphrotique
impur due à P. malariae, liée à une
glomérulopathie par dépôts de complexes immuns et les néphropathies aiguës glomérulaires et/ou tubulaires du
paludisme grave à P. falciparum, le
plus souvent chez l’adulte.
3.2. Accès palustres graves
à P. falciparum
3.2.1. Les critères de paludisme grave
ont été actualisés par l’OMS en 2000. Ces critères sont les mêmes chez l’adulte
et chez l’enfant.
Tableau II- Critères
de gravité 2000 de l’OMS du paludisme grave :
1- Neuropaludisme
(score de Glasgow < 9, score de Blantyre <2 chez l’enfant de moins de<
5ans)
2- Troubles
de la conscience (score de Glasgow <15 et >9)
3- Convulsions
répétées (> 1/ 24 heures)
4- Prostration
5- Syndrome
de détresse respiratoire
6- Ictère
(clinique)
7- Acidose
métabolique (bicarbonates plasmatiques < 15 mmol/L)
8- Anémie
grave (Hb < 5g/dl ou Ht < 15%)
9- Hyperparasitémie
(> 4% chez le sujet non immun ou > 20% chez le sujet immun)
10- Hypoglycémie
(< 2,2 mmol/L)
11- Hémoglobinurie
macroscopique
12- Insuffisance
rénale :
- adulte :
diurèse < 400 mL/kg/24h. ou créatinémie > 265 µmol/L,
- enfant :
diurèse < 12mL/kg/24h. ou créatinémie élevée pour l’âge
13- Collapsus
circulatoire (TAS <50 mmHg avant 5 ans, TAS < 80 mmHg après 5 ans)
14- Hémorragie
anormale
15- Oedème
pulmonaire (radiologique)
3.2.2. Accès
pernicieux palustre ou neuropaludisme ou paludisme cérébral
·
température de 39°C jusqu’à 42°C
·
coma calme avec hypotonie et
aréflexie (chez l’adulte : coma
hypotonique sans convulsion ni signe focal ; chez l’enfant, convulsions),
·
score de Glasgow < 9
·
pas de signes méningés, mais ponction lombaire obligatoire
·
convulsions > 2/24 h.
(enfants)
·
parfois, manifestations psychiatriques
au début
·
anémie
·
+ autres critères de gravité
3.2.3 Accès palustres
graves (autres que le neuropaludisme)
La présence d’un seul
des critères du paludisme grave lors de l’examen clinique initial définit
l’accès palustre grave qui doit être traité comme un neuropaludisme.
Dans
les 2 cas, la mortalité est élevée > 10 à 30% avec risques de séquelles chez
l’enfant dans 10% des cas (épilepsie, cécité corticale,…), particulièrement au
décours d’une hypoglycémie.
3.3 Formes cliniques
3.3.1. Paludisme de
l’enfant (non encore prémuni en zone d’endémie)
Le paludisme de l’enfant apparaît après
la disparition de la protection du nouveau-né par les anticorps maternels et le
remplacement progressif de l’HbF par l’HbA, après l’âge de 3 mois. Il acquiert
une immunité labile et incomplète, au prix de nombreux accès palustres graves.
Il faut insister d’emblée sur la nécessité d’un traitement rapide et efficace
et sur le rôle protecteur d’une supplémentation en vitamine A.
3.3.1.1. les accès
palustres simples
-
toute fièvre chez un enfant en zone d’endémie palustre doit faire évoquer le
paludisme,
-
elle peut être isolée ou accompagnée de signes digestifs (vomissements,
diarrhée surtout chez le nourrisson), de céphalées, de convulsions,
-
la présence de convulsions ne doit pas être abusivement attribuée à une fièvre
élevée, mais doit faire craindre l’installation d’un neuropaludisme.
3.3.1.2. les formes graves. Trois
formes cliniques prédominent : le neuropaludisme , l’anémie grave, la
détresse respiratoire. Les facteurs de gravité sont : le neuropaludisme
(profondeur du coma, convulsions répétées, âge < 3ans, parasitémie >
20%), et l’hypoglycémie attribuée au paludisme. En zone d’endémie, plus de 90 %
des décès sont observés chez des enfants.
3.3.1.3. Le paludisme congénital :
la réalité de l’infection transplacentaire du nouveau-né est admise, liée au
passage de globules rouges parasités du placenta. Le paludisme
congénital-maladie est rare. Il apparaît après un délai variable de 5 à 60
jours et le signe clinique constant est la fièvre.
3.3.2. Paludisme de
l’adulte
Classiquement,
l’adulte autochtone ne présente pas de formes graves en zone d’endémie
palustre. En pratique, le paludisme grave de l’adulte est une réalité. C’est
une pathologie émergente dont la recrudescence actuelle relève de plusieurs
facteurs : urbanisation non contrôlée croissante, variations climatiques,
usage erroné des antipaludiques, prolifération dense d’anophèles dans les
quartiers périphériques des villes.
Par
rapport au paludisme de l’enfant, hypoglycémie et anémie sont rares. On note la
fréquence des tableaux polymorphes associant état de choc, insuffisance rénale,
coagulapathie, hémoglobinurie et détresse respiratoire, l’atteinte neurologique
étant alors au second plan. La mortalité est proche de 20% . On note la
fréquence des infections nosocomiales et des décès par choc septique.
3.3.3. Paludisme de
la femme enceinte
Le
paludisme est beaucoup plus fréquent chez la femme enceinte, surtout pendant le
3éme trimestre et à l’accouchement. Des complications aiguës et graves sont
notées : mortalité fœto-maternelle, accès pernicieux dans les régions
d’endémie instable où les cas sont peu fréquents en dehors des épisodes
épidémiques. En zone de paludisme stable, problèmes d’anémie chez la mère et
retard de croissance fœtale responsable d’un déficit pondéral à la naissance,
principalement marqué chez les primigestes.
Fréquence
de l’hypoglycémie sévère après début du traitement par la quinine (qui
favorise la libération d’insuline), de l’œdème pulmonaire, de l’anémie.
La
prophylaxie pendant la grossesse dans les zones d’endémie est systématique
3.3.3. Le paludisme
transfusionnel :
Il survient 2 à 3 semaines après une transfusion. Le
dépistage des anticorps antipaludiques se fait par la technique
d’immunofluorescence indirecte.
Dans
les pays développés, le dépistage se fait chez les donneurs de sang ayant
séjourné en zone d’endémie palustre depuis plus de 4 mois et jusqu’à la 3ème
année après leur retour, un séjour remontant à moins de quatre mois en zone
d’endémie est une contre-indication absolue à un don homologue.
3.3.4. Le paludisme
et l’infection à VIH/SIDA:
les études actuelles semblent annoncer une aggravation du paludisme en cas de
co-infection avec le VIH, notamment chez l’adulte. Il y a une nette augmentation de la prévalence et
de la densité parasitaire moyenne de Pl.
falciparum chez les femmes infectées par le VIH par rapport aux femmes
séronégatives. La coinfection paludisme-VIH a un effet particulièrement marqué
sur le poids de naissance de l’enfant, les 2 affections se potentialisant
mutuellement. Aucune étude n’aurait montré une interaction paludisme-infection
à VIH chez les enfants.
4. Diagnostic
4.1. Clinique : grandes difficultés du diagnostic clinique
4.2. Biologique
4.2.1. Non spécifique : la numération formule sanguine montre
une cytopénie (anémie, leucopénie, thrombopénie)
4.2.2. Spécifique : la parasitologie
4.2.2.1. Les
techniques microscopiques conventionnelles :
frottis mince, goutte épaisse :
elles demeurent la référence, elle nécessitent une méthodologie simple, mais
précise et rigoureuse et un long apprentissage. La sensibilité est corrélée au
temps d’observation (pour un frottis : lecture d’au moins 100 champs, en
pratique 20 minutes).
Le frottis mince permet :
·
l’étude morphologique des
hématozoaires,
·
le diagnostic différentiel entre les
espèces plasmodiales (il reste toujours un défi même pour un lecteur averti)
La goutte épaisse, examen de référence de
l’OMS, est largement utilisée pour le diagnostic de routine. Sa sensibilité est
20 à 30 fois plus élevée que celle du frottis mince. Le problème du diagnostic
d’espèce se pose rarement et l’incertitude est
le plus souvent sans conséquence sur la conduite thérapeutique.
La densité
parasitaire est estimée par le pourcentage d’hématies parasitées. La goutte
épaisse détecte des parasitémies de 3 à
5 parasites/µL, le frottis 100 à 200 parasites/µL.
4.2.2.2. La technique microscopique par
fluorescence
La coloration
fluorescente des acides nucléiques par l’acridine orange : le malaria-test
QBC (quantitaive buffy-coat). Cette technique nécessite une équipement
particulier et un personnel entraîné pour l’identification d’espèce, mais pas
pour le diagnostic positif. Elle n’est plus, en pratiquée, utilisée.
4.2.2.3. Mise en évidence des antigènes
parasitaires : tests rapides sur bandelette réactive contenant un
anticorps monoclonal (durée : 5 à 15 mn)
- immunocapture de
l’Ag HRP-2 (histidine-rich protein-2), spécifique de P. falciparum : ParaSight F®,
ICT Malaria Pf ®, Core Malaria®, Kat-Quick Malaria®
- immunocapture de
l’AgHRP-2 et de la pLDH (lactate deshydrogénase parasitaire) commune aux 4
espèces parasitaires : Now® ICT Malaria Pf/Pv, OPTIMAL® IT,
- immunocapture de
l’Ag HRP-2, d’une pLDH spécifique de P.
vivax et d’une pan-pLDH pour la détection des 2 autres espèces :
PALUTOP+4®, nouveau test d’aide au diagnostic d’espèce du paludisme
Les qualités et la
facilité d‘utilisation des tests rapides devraient permettre de les intégrer
dans les procédures de prise en charge des malades dans les PED.
Se rappeler que les
antigènes restent positifs quelques jours (7 jours et plus) et qu’ils peuvent
être faussement positifs en présence de facteur rhumatoïde.
4.2.2.4. Techniques de biologie moléculaire :
la PCR permet la détection de parasitémies très faibles (voyageurs sous
chimioprophylaxie)
4.2.2.5. La sérologie :
immunofluorescence indirecte, ELISA. Elle n’a pas sa place pour le diagnostic
des accès palustres : elle ne permet pas de différencier une infection
palustre en cours d’un paludisme antérieur. Elle a 3 indications : étude
d’une fièvre prolongée inexpliquée hors zone d’endémie, dépistage chez les
donneurs de sang, études épidémiologiques.
Note : il faut toujours considérer le patient
comme à priori infecté par P. falciparum,
même si la réponse du laboratoire est en faveur d’une des 3 autres espèces
plasmodiales ,
En pratique, le diagnostic
parasitologique repose sur le frottis sanguin :
- positif, il permet
l’identification de l’espèce et le calcul de la parasitémie,
- négatif, il ne doit
pas faire conclure à l’absence d’accès palustre, mais faire pratiquer une
goutte épaisse et un 2ème frottis (et si possible un test rapide sur
bandelette) et seule la négativité de ces examens permet de conclure à
l’absence d’accès palustre.
5. Traitement
5.1. Les antipaludiques
5.1.1. Classification des antipaludiques
5.1.1.1. Schizonticides érythrocytaires
Amino-4-quinoleines :
chloroquine (NIVAQUINE®), amodiaquine (FLAVOQUINE®),
Amino-alcools :
quinine (QUINIMAX®, QUINOFORME®, QUININE LAFRAN), méfloquine (LARIAM®),
halofantrine (HALFAN®), luméfantrine,
Sesquiterpènes :
artémisinine et ses dérivés : dihydroartémisinine, artéméther
(PALUTHER®), artèsunate (ARSUMAXâ), artéether,
Antimétabolites :
antifoliques : sulfadoxine, dapsone
antifoliniques : proguanil (PALUDRINE®), pyriméthamine (MALOCIDEâ))
antibiotiques : cyclines
(DOXYPALU®), clindamycine (DALACINE®)
analogues de
l’ubiquinone : atovaquone.
5.1.1.2. Schizonticides intra-hépatiques
Amino 8
quinoléines : primaquine, tafénoquine
Antimétabolites :
proguanil, cyclines.
5.1.1.3. Gamétocytocides :
Amino 8
quinoléines : primaquine, tafénoquine.
5.1.1.4. Associations d’antipaludiques à
effet synergique schizonticide
L’action synergique
de molécules permet d’augmenter l’efficacité des médicaments et d’obtenir une
protection mutuelle des produits contre l’acquisition de résistance du
parasite.
Certains sont
anciens :
- Sulfadoxine +
pyriméthamine 5FANSIDAR®)
- Quinine + cyclines
- Méfloquine +
sufadoxine+ pyriméthamine : FANSIMEF® (utilisé en Asie du sud-est)
- Choroquine +
proguanil : SAVARINE® (en chimioprophylaxie seulement)
Les nouveaux
antimalariques sont tous associés, au moins en bithérapie :
- soit en
associations fixes : artéméther + luméfantrine : COARTEMâ,
RIAMET® ; atovaquone + proguanil : MALARONE® ; chlorproguanil +
dapsone : LAPDAP®)
- soit en
associations libres (2 sortes de comprimés), l’artésunate ne devant pas être
employé seul :
-
Artésunate + sulfadoxie-pyriméthamine (ARSUDAR®).
-
Artésunate + amodiaquine (ARSUCAM®)
-
Artésunate + méfloquine (ARTEQUIN®),
Ces deux dernières
associations sont en cours de développement en associations fixes pour
favoriser la compliance, la premiére pour l’Afrique, la deuxiéme pour l’Asie et
l’Amérique latine (prévues en 2006).
5.2.1. La
quinine : c’est un schizonticide endo-érythrocytaire. Elle
mérite une étude spéciale, car elle reste le traitement de référence des formes
graves du paludisme à P. falciparum.
-
se présente en ampoules, comprimés, suppositoires,
- suivant
la gravité du tableau clinique : voie d’administration et posologie
différentes :
-
en cas d’accès simples : posologie
classique de 25 mg/kg/j. (en pratique 8 mg/kg de quinine- base toutes les 8 heures, soit 24 mg/kg/j.,
pendant 7 jours, injectable ou per os),
-
en cas de critères de gravité, dose de
charge : 17 mg/kg de quinine base en 4 h., puis dose d’entretien de 8
mg/kg en 4h., toutes les 8 h., en perfusion intraveineuse obligatoire, pendant
7 jours,
- nécessité de
calculer les doses de quinine base : seul le QUINIMAX® est directement
exprimé en alcaloïdes bases (98% de quinine base, forme galénique de
QUINIMAX®),
- si le paludisme est
contracté en zone de quinino-résistance (Asie du sud-est, Amazonie) : adjoindre
doxycycline, 200 mg/j ou clindamycine,10 mg/kg toutes les 8 heures
- administration intra-rectale
biquotidienne de quinine : 15 à 20 mg/kg de quinine diluée (QUINIMAX®
solution injectable), à renouveler éventuellement 12 heures après. Kit
d’urgence à disposition
- entraîne
fréquemment des acouphènes, même aux doses normales
- survenue d’hypoglycémie
sévère sous traitement par quinine (hyperinsulinisme) chez la femme enceinte,
- contre indication
(CI) : antécédents de Fièvre bilieuse hémoglobinurique,
- grossesse et
allaitement ne sont pas des C.I.,
- attention au
surdosage en quinine, se méfier d’une cardiotoxicité avec torsade de pointe,
collapsus : la posologie exprimée en quinine-base doit être calculée avec
attention, surtout chez l’enfant.
5.2.2. Les autres
antimalariques schizonticides
· amino 4 quinoleines :
- chloroquine( NIVAQUINE®), comprimés à 100 et à 300 mg,
sirop pédiatrique 5 mg/ml, ampoules injectables dosées à 100 mg IM, posologie OMS 25 mg/kg en 3 jours. J1 et J2 : 10 mg/kg, J3 : 5mg/kg
-amodiaquine (FLAVOQUINE®), comprimés à 153 mg, 30
mg/kg en 3 jours
Chloroquinorésistance présente actuellement dans pratiquement
toutes les zones d’endémie, mais relative bonne efficacité clinique en Afrique
de la chloroquine et de l’amodiaquine.
Effets indésirables : chloroquine : toxicité
cardiovasculaire en bolus ; amodiaquine : agranulocytose, hépatite
grave (en chimioprophylaxie).
● amino-alcools autres que la quinine :
-
méfloquine (LARIAM®) :
posologie : 25 mg/kg en 2 ou 3 prises (seule présentation : comprimés
de 250 mg) ; CI : antécédents psychiatriques ou de convulsions,
effets neuropsychiques, vomissements
-
halofantrine (HALFAN®): posologie :
25 mg/kg en 3 prises (présentation : comprimés de 250 mg, suspension
buvable : 100 mg/5 ml) ; nécessité d’une 2ème cure
d’halofantrine sept jours plus tard pour éviter une éventuelle rechute
plasmodiale chez un sujet non immun ; CI : patients à risque
cardiaque, d’où la réalisation préalable d’un électrocardiogramme avant une
cure d’halofantrine à la recherche d’un éventuel allongement de l’espace
QT ;
· association sulfadoxine-pyriméthamine
(FANSIDAR®) :
-
comprimés à 500 mg de sulfadoxine et 25
mg de pyriméthamine, posologie : 3 comprimés en une prise , 1 jour
(enfant : 1cp/10 kg).
-
résistance de souches de P. falciparum d’Asie, d’Afrique de
l’est, d’Amérique du sud,
-
toxicité hématologique et
cutanée .
· dérivés de l’artémisinine
-
artéméther (PALUTHER®), en
intra-musculaire profonde (ampoules de 40 mg/0,5 ml et 80 mg/1 ml) : intérêt
dans les formes graves à P. falciparum;
posologie : 1,6 mg/kg toutes les 12 heures à J1 (3,2 mg/kg/j), puis 1,6
mg/kg/24h. de J2 à J5. Bonne tolérance.
-
artésunate (ARSUMAX®), comprimés à 50
mg, 100 mg le premier jour, puis 50 mg pandant les 4 jours suivant.
L’artésunate ne doit pas être utilisé seul.
· antibiotiques :
doxycycline (DOXYPALU®) (200 mg/j si plus de 12 ans, 100 mg/j entre 8 et 12
ans, pendant 7 jours), associée à la quinine IV (zones de
quininorésistance : forêts d’Asie du sud-est et Amazonie) [ou clindamycine
(DALACINE® : 10 mg/kg toutes les 8 heures pendant 7 jours].
· association
artéméther+luméfantrine
(COARTEM/RIAMET®) : comprimés à 20 mg d’artéméther et à
120 mg de luméfantrine pour le traitement de l’accès palustre simple à P. falciparum : 4 comprimés en 2
prises par jour pendant 3 jours (dose adulte). Il n’est pas utilisé en
chimioprophylaxie. Effets secondaires : troubles du sommeil, céphalées,
étourdissements, troubles digestifs, prurit. Il n’y a pas de cardiotoxicité.
· association atovaquone+proguanil
(MALARONE®), comprimés à 250 mg d’atovaquone et à 100 mg de proguanil pour
le traitement du paludisme simple à P.
falciparum de l’adulte et de l’enfant de 12 ans et plus : 4 comprimés
en prise unique quotidienne pendant 3 jours. Bonne tolérance : quelques
troubles digestifs. Chez l’enfant de moins de 12 ans (comprimés à 62,5 mg/25
mg), l’ajustement des doses et la tolérance sont encore à l’étude pour le
traitement curatif. Cette association a une action sur les souches
hépatocytaires de P. falciparum.
• association chlorproguanli+dapsone
(LAPDAP®), comprimés chlorproguanil (C) 80 mg, dapsone (D) 100 mg, et
comprimés enfants : C 15 mg, D 18,75mg ; posologie : C 2mg/kg et
D 2,5 mg/kg pendant 3 jours. Peut déclencher des hémolyses si déficit en
G6PD et nécessite des précautions d’emploi chez les patients anémiques.
5.3. Conduite à
tenir devant un accès palustre. Elle fait l’objet
d’une fiche thérapeutique pratique (B.A. Gaüzère)
5.3.1. Accès palustre
à P. falciparum
5.3.1.1. Accès palustre simple
Bien que la chloroquinorésistance soit
présente pratiquement dans toutes lez zones d’endémie, la chloroquine reste
cependant le traitement de référence dans de nombreux pays où elle garde une
bonne efficacité clinique. L'amodiaquine et l'association
sulfadoxine-pyriméthamine sont utilisés en cas d’échec ou en première intention
selon les résistances locales. Cependant, la chloroquine est réintroduite dans
certains pays, comme le Malawi, Pl.
falciparum étant redevenu sensible.
Cependant, pour les pays du groupe 2 et
3, les trois antipaludiques à priori actifs dans les PED sont la quinine, le
LARIAM® et l’HALFAN®. L’efficacité des nouveaux antimalariques COARTEM ou
RIAMET® et MALARONE® est égale à celle du LARIAM® ou de l’HALFAN®.
Les associations libres
artésunate+amodiaquine et artésunate+méfloquine sont recommandées dans les PED.
Madagascar (et 14 autres PED) doit introduire l’association
artésunate+amodiaquine comme première ligne de traitement du paludisme non
compliqué, à la place de la chloroquine et de la sulfadoxine+priméthamine...
5.3.1.2.
Accès palustre grave
La
quinine intraveineuse demeure l’antipaludique de l’urgence : 25 mg/kg/j de
quinine base avec dose de charge recommandée par l’OMS tant chez l’adulte que
chez l’enfant, indépendamment de la zone géographique. La doxycycline est
associée à la quinine dans les zones de forêts d’Asie du sud-est et d’Amazonie
(souches de P. falciparum résistantes
à la quinine).
Les nouvelles
présentations de l’artémisinine sont des substituts à la quinine :
artésunate par voie rectale, artéméther
(PALUTHER®) par voie intramusculaire et artésunate par voie veineuse.
L’artésunate est plus efficace, plus maniable et mieux tolérée que la quinine
dans le traitement de l’accès pernicieux palustre, du moins en Asie du sud-est.
Il faut souligner l’intérêt du PALUTHER® dans le traitement du paludisme
grave : il peut être utilisé dans des régions peu médicalisées,
compte-tenu de son mode d’administration par voie intramusculaire.
Le dosage de la quininémie permet de juger de l’efficacité du
traitement étiologique par la quinine. Les valeurs thérapeutiques sont
comprises entre 10 et 15 mg/l ; au-dessous de 8 mg/l, il y a risque
d’inefficacité ; au-dessus de 20 mg/l, il y a risque de cardiotoxicité. Le
dosage de la quininémie est indispensable pour adapter la posologie de la
quinine en cas d’insuffisance rénale.
5.3.2. Accès palustre
à P. vivax, ovale, malariae :
La chloroquine est le traitement de choix : 25 mg/kg en
3 jours (J1 et J2 : 10 mg/kg, J3 : 5 mg/kg). L’action hypnozoïtocide
de la primaquine en fait le traitement des rechutes à P. vivax et P. ovale, mais son emploi n’est pas recommandé (risques
iatrogènes et hémolyses si déficit en G6PD).
Tableau III- Traitement symptomatique du paludisme grave
chez l’enfant, associe au traitement anti-palustre
Symptômes |
Traitement |
Acidose
métabolique Anémie
grave Collapsus
Coma
Convulsions Hémorragie
par CIVD Hyper
parasitémie Hyperthermie Hypoglycémie Insuffisance
rénale |
Oxygénothérapie et correction de la
cause : hypoglycémie, anémie, déshydratation, collapsus, septicémie. Transfusion si mauvaise tolérance. Remplissage vasculaire prudent. Nursing, ventilation mécanique si
score de Glasgow < 8. Hypertension intracrânienne :
oxygénation et correction des facteurs adjuvants, mannitol déconseillé. Pas de prévention systématique. Traitement des crises : diazépam
IVL 0, 3 mg/kg ou intra rectal 0,5
mg/kg, puis dose de charge de phénobarbital 10-20 mg/kg. Si état de mal convulsif :
sédation et ventilation mécanique Plasma frais congelé. Quinine IV. Exsanguino-transfusion
non indiquée. Mesures physiques et paracétamol 60
mg/kg/j. Salicylés contre-indiqués. Sérum glucosé à 50% : 1 ml/kg
IV, puis perfusion de sérum glucosé à 5%. Correction de l’hypovolémie, puis
relance de la diurèse par le furosémide ; si échec : épuration
extra-rénale. |
6. Prophylaxie
6.1. Lutte
antivectorielle
·
aspersions intra-domiciliaires
d’insecticides à effet rémanent,
·
moustiquaires imprégnées d’insecticides
(deltaméthrine, perméthrine): outil majeur de prévention
du paludisme au
niveau communautaire, stratégie de lutte recommandée par l’OMS. Mais la
résistance des vecteurs est préoccupante, et il est nécessaire de ré-imprégner
régulièrement les moustiquaires pour maintenir leur efficacité. Actuellement,
développement de moustiquaires imprégnées «longue durée» avec une rémanence
de plusieurs années.
·
ports de vêtements imprégnés de
perméthrine (utilisés par les armées)
·
répulsifs (insecticides ou répellents)
de durée d’action limitée (3 à 6 heures). La diéthyl-toluamide
(DEET 50%) est l’insecticide de référence. Selon les
recommandations du CDC d’Atlanta, l’emploi de DEET 50% est autorisé chez la
femme enceinte, y compris au premier trimestre de la grossesse, lors de
l’allaitement et chez l’enfant dès l’âge de 2 mois, en évitant l’application
sur les mains, portées facilement à la bouche. A côté du DEET, apparaît une
classe prometteuse de produits répulsifs dérivés de la pipéridine.
·
aménagements de l’environnement destiné
à diminuer le nombre de gîtes anophéliens.
Les précautions en
vue d’une protection efficace contre les moustiques doivent être prises dès la
tombée de la nuit.
6.2. Chmioprophylaxie
6.2.1.
Chimioprophylaxie des expatriés et des voyageurs
La
prophylaxie médicamenteuse est indispensable pour des séjours classiquement de durée inférieure à 3 mois pour les zones à P.
falciparum. Elle n’est pas efficace à 100%. Elle doit être prise pendant
tout le séjour et après le retour pendant un durée variant avec
l’antipaludique.
Schéma prophylactique pour l’adulte suivant le
groupe 1, 2 ou 3 :
- pays du groupe
1 : chloroquine (NIVAQUINE®) 100 mg/j,
- pays du groupe
2 : association chloroquine (100 mg/j)+proguanil (200 mg/j) (SAVARINE®) 1
comprimé par jour, ou association atovaquone+proguani (MALARONE®) : dose
chez l’adulte et chez l’enfant > 40 kg :1 comprimé adulte (250mg/100 mg) par jour
- pays du groupe
3 : trois choix sont classiquement possibles :
-
choix n°1 : LARIAM® , comprimés à (250 mg, 1 comprimé par semaine,
-
choix n°2 : MALARONE® : même dose que pour les pays du groupe 2
-
choix n°3 : doxycycline (DOXYPALU®), comprimés à 100 et 50 mg: 100 mg chez
l’adulte et chez l’enfant de plus de 8 ans pesant plus de 40 kg, 50 mg chez
l’enfant de plus de 8 ans pesant moins de 40 kg.
Schéma
prophylactique chez la femme enceinte suivant le groupe 1, 2 ou 3 :
-
pays du groupe 1 : NIVAQUINE®
- pays du groupe
2 : SAVARINE® ou MALARONE®,
- pays du groupe 3 : séjour déconseillé,
si séjour indispensable : LARIAM® ou MALARONEâ
Schéma
prophylactique chez l’enfant suivant le groupe 1, 2 ou 3 :
- pays du groupe 1 : NIVAQUINE®
- pays du groupe
2 : association chloroquine (NIVAQUINE®) 1,5mg/kg/j +proguanil
(PALUDRINE®) 3mg/kg/j, la SAVARINE® n’étant prescrite qu’à partir de 15 ans ou
MALARONE ®, enfants de 11 à 40 kg,: comprimé enfant (62,5 mg/25 mg) suivant
poids : 1 cp/j de 11 à 20 kg, 2 cp/j de 21 à 30 kg, 3 cp/j de 31 à 40 kg
- pays du groupe
3 : si poids > 15 kg ou âge > 3 ans : LARIAM®,
alternative : DOXYPALU® si > 8 ans ou MALARONEâ
si poids entre 11 kg et 40 kg, les posologies variant avec le poids de
l’enfant.
La chimioprophylaxie doit être
poursuivie pendant 4 semaines après le retour, sauf pour le LARIAM® pendant
3 semaines et pour la MALARONEâ pendant
7 jours seulement, ce court délai
s’expliquant par l’activité schizonticide de la MALARONE® dans les
formes tissulaires de P. falciparum
en développement transitoire dans le foie.
La durée de la
chimioprophylaxie a été modifiée : jusqu’ici limitée aux trois premiers
mois de séjour, elle a été prolongée par le CSHPF a six mois.
Extrait du Bulletin
Epidémiologique Hebdomadaire n° 24-25/2005 : «Lors du premier séjour,
la chimioprophylaxie, adaptée au niveau de résistance, devrait être
impérativement poursuivie pendant les six premiers mois, sauf avec
l’association atovaquone-proguanil, pour laquelle on ne dispose pas d’un recul suffisant
en prise prolongée dans cette indication. Au-delà de cette durée et sachant que
la poursuite d’une prise continue pendant plusieurs années paraît irréaliste,
la chimioprophylaxie pourrait être éventuellement modulée avec l’aide de
médecins référents locaux. Une prise intermittente durant la saison des pluies
ou lors de certains déplacements pourrait par exemple être envisagée. Dans tous
les cas, il est indispensable que la prise en charge rapide d’une fièvre par le
médecin référent puisse être assurée. Il convient de prévenir les intéressés de
la persistance du risque pendant 2 mois lors du retour en France pour les
congés».
Il y a deux candidats à la prophylaxie
des formes tardives de la maladie: la primaquine et l’association
atovaquone-proguanil, agissant sur le cycle hépatique, pour les voyages dans
les régions infestées par P. vivax (
Corne de l’Afrique, Asie, Amérique du sud).
6.2.2. Une nouvelle
chimioprophylaxie : le Traitement
Préventif iItermittent (TPI) des femmes enceintes et des enfants des pays
en développement
Le
traitement préventif intermittent (TPI) consiste dans l’administration
intermittente et systématique d’antipaludiques (amodiaquine ou SP, associés ou
non à un dérivé de l’artémisinine) à titre prophylactique. La chimioprophylaxie
est recommandée par l’OMS pendant la grossesse dans les zones d’endémie
palustre. SP est utilisée préférentiellement à doses curatives lors des visites
prénatales.
Chez
les enfants, le TPI avec SP, administré pendant la première année lors des séances
du Programme Elargi de Vaccinations, diminue l’incidence du paludisme et de
l’anémie. Dans une étude récente menée au Ghana, le TPI avec SP diminue bien
l’incidence du paludisme (25%) et de l’anémie (35%) jusqu’à l’âge de 15 mois,
mais on note une augmentation significative des accès palustres avec une
densité parasitaire élevée entre 16 et 24 mois, ce que peut expliquer la non
acquisition d’une prémunition pendant le TPI..
6.2.3. Effets
indésirables des médicaments antimalariques en chimioprophylaxie :
Tous
les médicaments antimalariques utilisés en chimioprophylaxie :
chloroquine, méfloquine, doxyxycline, choloroquine+proguanil,
atovaquone+proguanil ont des effets indésirables, neuropsychiques, digestifs,
cutanés, en règle non graves. La méfloquine a la plus haute proportion de
manifestations neuropsychiques surtout chez les femmes [céphalées, vertiges,
troubles psychiques (tendance dépressive, confusion, obnubilation,
anxiété, hallucinations,…]). L’association chloroquine+proguanil a la plus haute
proportion de troubles cutanés (prurit, éruptions). Tous entraînent des
troubles digestifs. La photosensibilité à la doxycycline est dose-dépendante
non significative à 50 mg.
7. Traitement pour les voyageurs d’une fièvre
suspectée de cause palustre
En l’absence de prise
en charge individuelle au-delà de 12 heures, des médicaments de réserve doivent
être utilisés : FANSIDAR® : limité à l’Afrique de l’ouest et
centrale, LARIAM® et quinine (nourrissons et femmes enceintes). L’HALFAN® n’est
plus recommandé, vu la nécessité d’un ECG avant le départ, et des CI en cas
d’associations à de nombreux médicaments, hypokaliémiants ou antiarythmiques.
8. Vaccination antipalustre : les vaccins
candidats
Ils sont basés sur
les divers antigènes issus des différents stades du cycle évolutif
parasitaire
- vaccins anti-stade exo-érythrocytaire : ils visent à
empêcher le sporozoïtes de pénétrer ou
de se développer dans les cellules du foie,
- vaccins anti-stade sanguin asexué (antimérozoïtes) : ils empêchent les
mérozoïtes de pénétrer ou de se développer dans les G.R.
- vaccins bloquant la transmission : ils induisent des
anticorps empêchant la maturation des stades sexués du parasite chez le
moustique.
Les recherches se développent et récemment, l’identification
de récepteurs moléculaires dans le phénomène de cyto-adhérence des hématies
parasitées au placenta permet d’envisager de nouvelles solutions vaccinales qui
pourraient s’appliquer aux femmes enceintes, particulièrement aux primigestes.
Deux problèmes encore d’actualité
Le paludisme d’altitude :
l’exemple du Burundi. En 1991, les premières épidémies ont été observées dans
les plateaux centraux du Burundi, auparavant indemnes. En octobre 2000, une
grande épidémie de paludisme a été observée dans les plateaux centraux avec 3
000 000 de cas, dont 10 à 15% de morts pour la seule année 2000.
Le paludisme urbain. En 2002, prés de 40% de la population
africaine vit en zone urbaine. Cette population citadine ne peut acquérir une
bonne immunité de prémunition et on prévoit avec l’accélération de
l’urbanisation une diminution globale de l’incidence du paludisme (diminution
de la transmission anophèlienne dans les centres urbains), mais une
augmentation des formes graves de paludisme. En fait, le concept qu’il n’y a
pas de paludisme dans les grandes villes tropicales mérite d’être
ré-évalué : de nombreux cas de transmission urbaine du paludisme ont été
rapportés en 2002 en Inde.
Aucun accès
palustre bien traité suffisamment tôt ne devient fatal, L’information ne passe toujours pas : la mauvaise
compliance aux mesures de prophylaxie explique la majorité des accès
palustres chez les expatriés, Les conseils médicaux sont le plus souvent
inadéquats en matière de paludisme, Aucune chimioprophylaxie même respectée n’est
efficace à 100%, Le paludisme reste, au début du XXIème
siècle, une des causes majeures de morbidité et de mortalité surtout chez
l’enfant africain. |
-
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Les faciès épidémiologiques du
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Le paludisme dans le monde (OMS, 2001)
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Evaluation de la résistance de Plasmodium falciparum en fonction de la
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Classification des pays en fonction de
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Antipaludiques utilisables en
traitement curatif
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