Traitement du paludisme grave et du
paludisme simple
Docteur
B-A Gaüzère. Mise à jour le 26/10/ 2005
1) Traitement du paludisme grave à Plasmodium falciparum chez l'adulte et l'enfant, en milieu de
réanimation.
11) Critères de définition du paludisme grave : lame
positive à Pl. falciparum associée à
au moins 1 des 15 critères suivants (d’après
l’OMS, 2000).
Valeur
pronostique* |
Critères
cliniques ou biologiques |
Fréquence* |
|||
Enfants |
Adultes |
|
Enfants |
Adultes |
|
+ |
? |
Prostration |
Extrême
faiblesse |
+++ |
+++ |
+++ |
+ |
Troubles de
conscience |
Score
de Glasgow ≤ 9, Blantyre ≤ 2 |
+++ |
++ |
+ |
++ |
Convulsions
répétées |
Phase
post-critique ≥ 30 min. |
+++ |
+ |
+++ |
+++ |
Détresse
respiratoire (dyspnée d’acidose,
SDRA1) |
Définition
clinique chez l’enfant |
+++ |
+ |
+++ |
+++ |
Œdème pulmonaire (radiologique,
poumon lésionnel) |
Anomalies
radiologiques précisées chez l’enfant |
± |
+ |
+++ |
+++ |
Etat de choc |
Pression
artérielle systolique < 80 mmHg en présence de signes périphériques
d’insuffisance circulatoire |
+ |
+ |
|
++ |
Saignement anormal |
Définition
clinique |
± |
+ |
++ |
+ |
Ictère |
Clinique
ou bilirubine totale > 50 µmol/L |
+ |
+++ |
+ |
+ |
Hémoglobinurie |
± |
+ |
|
+ |
+ |
Anémie profonde |
Hématocrite
< 15% ou hémoglobine < 5g/dL, en présence d’une parasitémie de plus de 10 000/µL. Si
l’anémie est microcytaire, exclure une carence martiale ou une
hémoglobinopathie. |
+++ |
++ |
+++ |
+++ |
Hypoglycémie |
+++ |
+ |
|
+++ |
+++ |
Acidose |
pH
artériel < 7.35 ou bicarbonates < 15 mmol/L |
+++ |
++ |
+++ |
+++ |
Hyperlactatémie |
Lactates
plasmatiques (> 4 mmol/L ?) |
+++ |
++ |
± |
++ |
Hyperparasitémie |
Parasitémie
(> 5 % ? dépend de l’âge) |
++ |
+ |
++ |
++ |
Insuffisance rénale |
Débit
urinaire < 400mL /24 h (adulte) ou < 12mL/24 h (enfant) ne
s’améliorant pas après réhydratation et une créatininémie supérieure à 265
µmol/L (>3.0 mg/dL) |
+ |
+++ |
·
Evalué sur une
échelle de + à +++ ; ± indique une faible valeur pronostique ou une
survenue peu fréquente ·
1 – Syndrome de
détresse respiratoire aigu |
Tableau 1 : Critères de gravité du paludisme à P. falciparum (OMS 2000). Valeur pronostique et fréquence chez l’enfant et l’adulte.
« En pratique, le
clinicien doit faire appel au réanimateur en présence d’un quelconque des
éléments suivants : troubles de la conscience et / ou du comportement,
baisse de la tension artérielle, anomalie respiratoire, élévation des lactates,
acidose métabolique, insuffisance rénale».
1.2. Traitement. Dans les
formes sévères, la quinine intraveineuse reste le traitement de choix. En
raison de son faible index thérapeutique et des risques de troubles du rythme
cardiaque mortels, son utilisation par la voie intraveineuse nécessite
formellement l’hospitalisation en milieu de réanimation et le recours au dosage
sérique après administration de la première dose. .
La quinine IV recommandée est le
QUINIMAXÒ, dont 100 mg
correspondent à 96,10 mg de quinine-résorcine bichlorydrate. Le QUINIMAX® se
présente en ampoules de 1 mL à 100 mg , de 2mL à 200 m et de 4 mL à 400 mg.
1.2.1. En milieu de réanimation, après vérification
de l’E.C.G, et sous surveillance continue par électrocardioscope
- commencer par une dose de
charge de quinine, soit 17 mg/kg de quinine base (20 mg de bichlorydrate) en
une perfusion lente (sérum glucosé à 10 % afin de prévenir les hypoglycémies)
durant 4 heures (jamais en bolus intraveineux : risques de troubles du
rythme cardiaques mortels),
- puis dose
d'entretien : 8 mg/kg de quinine base (10 mg/kg de bichlorydrate) en
perfusion lente (sérum glucosé à 10 % afin de prévenir les hypoglycémies)
durant 4 heures, débutée 4 heures après la fin de la dose de charge, soit
toutes les 8 heures jusqu'à ce qu’un traitement oral soit possible : score
de Glasgow = 15, arrêt des vomissements.
- puis traitement oral par
quinine (QUININE LAFRAN®
comprimés à 250 et 500 mg, 8 mg/kg toutes les 8 heures, ou par un autre
antimalarique oral..
La durée totale de traitement par la quinine est de 7
jours. Le délai à respecter entre la fin de la dernière perfusion de quinine et
un traitement per os à la quinine ou à un autre aminoalcool est de 8 heures. Il
est de 12 heures avec les bithérapies comprenant un dérivé de l’artémisinine.
En cas d’insuffisance rénale,
la posologie ne semble pas devoir être modifiée pendant les premières 24
heures, puis elle sera réduite de moitié. Lors de l’hémodialyse ou de
l’hémofiltration, la demi-vie n’est pas allongée et les posologies ne doivent
pas être théoriquement modifiées. En pratique, et en l’absence de recours aux
dosages sériques, mieux vaut diminuer les doses d’ un tiers à un demi.
En cas d’insuffisance hépatique, diminuer la dose de
moitié dès la 2ème perfusion, la quinine étant métabolisée à 80% par
le foie.
La quininémie efficace est 10 ± 3 mg/L en vallée et 30 mg/L en pic.
Il convient de pratiquer systématiquement un dosage en fin de dose de charge et
à la 36ème heure, avec adaptation des doses, puis un dosage
hebdomadaire.
Attention au surdosage
fréquent en cas d’atteinte hépatique ou rénale et aux troubles mortels du
rythme cardiaque. L’index thérapeutique de la quinine étant étroit, la mesure
de la quininémie permet d’optimiser la posologie. La valeur de la quininémie
mesurée en fin de dose de charge (4ème heure) permet d’attester la
validité de la posologie initiale. Pour les patients à risques (insuffisance
hépatique et/ou rénale, enfant et femme enceinte...), des mesures ultérieures
de quininémie peuvent être indiquées. Toutefois, en zone tropicale, peu de
centres sont en mesure de réaliser le dosage de la quininémie, et la plus grande
prudence est recommandée avec la quinine utilisée par voie intraveineuse.
« Une mesure de la parasitémie n’est faite qu’à partir du 3ème
jour. Si l’état du patient ne s’améliore pas, la parasitémie du 3ème
jour et une mesure de la quininémie aident alors à l’interprétation d’un échec
et permettent alors de guider une éventuelle modification de posologie »(Conférence de consensus 1999).
1.2.2. Si la perfusion de quinine n’est pas
réalisable (dispensaire ou centre de santé périphérique de «brousse»), plusieurs
possibilités :
- artémether solution pour
intramusculaire (PALUTHER) : ampoules de 80 mg/1 mL
et de 40 mg/0,5 mL: 3 mg/kg le premier jour, 1, 6mg/kg par jour, les 4 jours
suivant ;
- ou quinine intra-rectale (15 à 20 mg
/kg de quinine diluée [solution de QUINIMAX® pour
IV], à renouveler éventuellement 12 heures plus tard).
- ou artésunate intra-rectale (10 à 15
mg/kg en suppositoires d’artésunate, à renouveler éventuellement 12 heures plus
tard.
- ou artésunate intraveinsuse (2,4 mg/kg en bolus à 0, 12 et
24 heures)
- ou quinine diluée
intramusculaire (8 mg/kg toutes les 8
heures en 3 injections)
et, suivant l’évolution, transfert en
urgence dans un hôpital ou centre de santé où les perfusions de quinine peuvent
^étre réalisées. dans le muscle antérieur de chacune des 2 cuisses)euvent être
réalisées.
- En zone d’endémie stable (transmission
toute l’année), une faible parasitémie peut-être permanente chez les enfants,
faisant croire à tort que la fièvre est due au paludisme.
- Il convient de toujours rechercher
une autre cause de fièvre ou une association avec le paludisme : pneumopathie,
diarrhée, rougeole, septicémie, fièvre typhoïde, maladies neurologiques
fébriles…
- Survenue fréquente d'hypoglycémies
sévères liées à
l'hyperinsulinisme induit par la quinine (femme enceinte).
- Ne pas faire de dose de charge de
quinine en cas d'administration préalable de quinine ou de méfloquine ou
d’halofantrine au cours des 12-24 heures précédentes.
- Certains traitements n'ont jamais
fait la preuve de leur efficacité et ne doivent pas être prescrits en
particulier : corticoïdes, autres anti-inflammatoires, autres
anti-oedémateux (urée, mannitol), exsanguino-transfusion, héparine, …
- Lors des formes graves, on note une fréquence accrue de septicémies à bacille à gram négatif et de pneumopathies.
2) Traitement de l'accès simple. Il s’agit d’un
patient ne présentant ni troubles de la conscience et/ ou du comportement, ni
baisse de la tension artérielle, ni anomalie respiratoire, ni élévation des
lactates, ni acidose métabolique, ni insuffisance rénale.
2.1. Accès simple chloroquino-sensible La primo-invasion ou l'accès palustre
simple dus à
P.
falciparum
chloroquino-sensible (éventualité très rare, zone sans chimiorésistance ou
prophylaxie insuffisante) ou encore dus à d'autres espèces plasmodiales (P. vivax, P. ovale, P. malariae), se
traite classiquement par la chloroquine (NIVAQUINEÒ), à la dose
de 25 mg/kg en 3 jours, 10 mg/kg le premier et le deuxième jour, 5 mg/kg le
troisiéme jour ou l’amodiaquine (FLAVOQUINE®) à la dose de 30 mg/kg en 3 jours
(10 mg par jour).
Dans un accès simple à P. falciparum chloroquinosensible, le
traitement par la NIVAQUINE® est, de préférence, poursuivi pendant 5 jours, les
doses étant adaptées à l’âge..
Chloroquine
(NIVAQUINEÒ en (mg) |
|||||
âge |
J1 |
J2 |
J3 |
J4 |
J5 |
< 1 an |
100 |
100 |
50 |
50 |
50 |
1-3 ans |
150 |
150 |
100 |
100 |
100 |
3-6 ans |
200 |
200 |
150 |
150 |
150 |
6-9 ans |
300 |
300 |
200 |
200 |
200 |
9-12 ans |
400 |
400 |
250 |
250 |
250 |
> 12 ans |
500 |
500 |
500 |
500 |
500 |
22) Accès simple chloroquino-résistant, sans critères
de gravité et sans vomissement du à une souche
de Pl. falciparum
chloroquino-résistante (éventualité la plus fréquente).
Plusieurs possibilités sont résumées
dans le tableau ci-dessous.
Spécialités* |
adulte |
enfant |
RIAMET/, COARTEM® |
4 comprimés x 2
prises par jour (soit 8 comprimés par jour) pendant 3 jours (artémether :20
mg, luméfantrine : 120 mg) |
Suivant le
poids : - 10-14 kg : 1
comprimé 2 fois par jour, - 15-24 kg : 2
comprimés 2 fois par jour - 25-34 kg : 3 comprimés 2 fois par
jour pendant 3
jours |
Artésunate ARSUMAX®+ amodiaquine FLAVOQUINE® ** |
4 mg/kg
d’artésunate (AS)+10 mg/kg d’amodiaquine (AQ), 1 fois par jour pendant 3
jours (AS : comprimés à 50 mg, AQ : comprimés à 153 mg) |
Idem |
MALARONE® |
4 comprimés adulte
(atovaquone :250 mg+ proguanil :100 mg) en 1 seule prise, pendant 3
jours |
4 comprimés adulte
si enfant de > 12 ans et > 40 kg en 1 seule prise, pendant 3 jours |
LARIAM |
25 mg/kg, en 2 ou 3
prises espacées de 6 à 12 heures |
Si enfant > 5 kg
ou plus de 3 mois : 25 mg/kg, en 2 ou 3 prises espacées de 6 à 12 heures |
QUININE LAFRAN® |
24 mg/kg/j en 3
prises pendant 7 jours |
idem |
HALFAN |
24 mg/kg en 3
prises espacées de 8 h |
24 mg/kg en 3
prises espacées de 6 heures |
3.1) En cas de paludisme contracté en zone de
polychimiorésistance (zones particulières de l’Asie et de l’Amazonie)
-
Quinine : intraveineuse ou per os associée à la doxycycline [DOXYPALU®,
comprimés à 100 mg, VIBRAVEINEUSE® , ampoules pour IV à 100 mg] :100 mg toutes les 12
heures pendant 7 jours (indication hors AMM)ou en cas de contre-indications
aux cycline : clindamycine (DALACINE®)10 mg/kg toutes les 8
heures pendant 7 jours (indication hors AMM).
-
Arthémeter solution pour IM (PALUTHERÒ) : il
est indiqué en cas de résistance vraie ou de contre-indication formelle à la
quinine. (Autorisation Temporaire d’Utilisation nominative).
3.2) Femme enceinte et / ou allaitante. Le paludisme
est beaucoup plus fréquent chez la femme enceinte en particulier au cours du
troisième trimestre et après l’accouchement. La quinine peut être prescrite
chez la femme enceinte et allaitante, la MALARONE, le LARIAM® chez la femme
enceinte seulement. La NIVAQUINE peut être utilisée en zone de
chloroquino-sensiblité. Ces médicaments sont bien tolérés, ni tératogènes, ni
abortifs aux doses usuelles.
3.3) Paludisme congénital. Rare, il est
suspecté chez un nouveau-né de moins de 10 jours dont la mère a été infectée.
Les signes évocateurs sont : fièvre, ictère, irritabilité, refus de
téter, anémie. Certaines formes avec portage sont asymptomatiques. Le
traitement repose sur la quinine ou un dérivé de l’artémisinine.
3.4) Paludisme transfusionnel. Les
parasites peuvent être transmis par le sang conservé à 4°C. Le receveur
présente, 10 jours après la transfusion, un accès palustre simple ou grave,
isolé, sans rechutes. La prévention repose sur l’administration d’une cure
d’antipaludiques lors de la transfusion.
4)
Remarques
- La quinine ne comporte de risque de
complications mortelles que du fait d’erreurs d’administration lors d’un usage
intraveineux. La quinine par voie orale est habituellement bien tolérée
- L’HALFANÒ fait peser un
risque de complication cardiaque mortelle. Il convient donc d’éliminer les
contre-indication suivantes : allongement du segment QT (risques de troubles du
rythme mortels) en pratiquant un ECG systématique.
- Les complications liées au LARIAMÒ sont
essentiellement neuropsychiatriques et peuvent être sévères. Leur fréquence est
assez élevée (1/200 à 1/1 700 traitements curatifs).
- Le COARTEM/RIAMET® est contre-indiquée
en cas de grossesse (risque potentiel de foetotoxicité), chez la femme
allaitante et en cas de prise de médicaments
allongeant le segment QT.
PaluTrop,
prise en charge du paludisme en Afrique.Manuel du prescripteur. Coordination :
E. Pichard, D. Richard-Lenoble. Ilpact malaria, Sanofi-Avantis, 2005,
40 p.
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Annexes
Score de Glasgow : adulte et grands enfants
|
|
Cotation |
Yeux ouverts |
-
Spontanément -
Pour parler -
A un stimulus douloureux |
4 3 2 |
Meilleure réponse verbale |
-
Exacte -
Confuse -
Choix des mots inapproprié -
Sons incompréhensibles -
Aucune |
5 4 3 2 1 |
Meilleure réponse motrice |
-
exécution des ordres -
localisation du stimuls douloureux -
(flexion à la douleur : retrait normal)* -
flexion à la douleur : réponse anormale -
extension à la douleur -
aucune |
6 5 (4)* 3 2 1 |
|
Total |
3-15 (3-14) |
*Item supprimé dans le score de Glasgow modifié
Score de Blantyre : enfants de moins de 5 ans
|
|
Cotation |
Mouvement des yeux |
-
Dirigés (suit le visage de la mère) -
Non dirigés |
1 0 |
Réponse verbale |
-
Appropriée -
Inappropriée ou gémissements -
Aucune |
2 1 0 |
Meilleure réponse motrice |
-
localisation du stimulus douloureux -
Retrait du membre à la douleur -
Réponse non spécifique ou absente |
2 1 0 |
|
Total |
0 - 5 |